Page 20 - Histoire d'ANNIBAL par Cdt Eugène HALLIBERT 1870 - DZWEBDATA
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               part  de  l'île  de  Crète,  traverse  l'Afrique,  y  introduit  l'agriculture,  fonde
               Hécatompyle, arrive au détroit, d'où il passe à Gadès, soumet l'Espagne et s'en
               retourne  par  la  Gaule1,  l'Italie,  les  îles  de  la  Méditerranée,  la  Sicile  et  la
               Sardaigne.

               Certes, un peuple qui fait de telles choses mérite une page à part clans l'histoire
               des nations.

               Pour  défendre  leur  vaste  empire  colonial,  les  Phéniciens  avaient  adopté  une
               politique toute particulière. Uniquement jaloux d'assurer à leur commerce une
               absolue sécurité, ils ne cherchaient qu'à éviter toute espèce de conflits avec leurs
               concurrents. Ils avaient été longtemps seuls maîtres de la Méditerranée ; mais
               dès que les Grecs eurent pris pied en Asie Mineure, ils aimèrent mieux les éviter
               que de les combattre, et, sans traité conclu, tacitement, les deux peuples agirent
               de manière à ne pas se gêner mutuellement. Aussi ne se rencontrèrent-ils point.
               La Phénicie, abandonnant à la Grèce les côtes de l'Asie Mineure et de la mer
               Noire,  de  l'Italie  méridionale  et  de  la  Gaule,  ne  la  troubla  point  dans  ses
               possessions  de  Sicile,  et  organisa  son  propre  trafic  dans  des  régions  tout
               opposées. C'est ainsi qu'elle se jeta dans l'extrême Occident.

               D'un autre côté, cette puissance avait commis la faute de fonder une domination
               trop vaste, hors de proportion avec les forces destinées à la soutenir. Loin du
               centre de ses établissements, elle ne sut pas les maintenir sous sa dépendance, et
               les  colonies,  s'affranchissant,  n'eurent  bientôt  plus  avec  la  métropole  que  des
               liens religieux très-lâches et de simples relations de commerce. La Phénicie ne
               lutta  point  contre  les  sécessions,  et  sut  abandonner  en  temps  utile  des
               républiques  urbaines  qui,  tôt  ou  tard,  lui  eussent  échappé.  Cette  politique,
               commandée  par  les  circonstances,  était  fort  sage.  Un  système  de  concessions
               bien  entendu  laissa  ouverts  à  la  métropole  les  ports  de  toutes  ses  colonies
               émancipées, et, durant des siècles, les filles aînées de Chanaan ne connurent que
               la grandeur et la paix.

               Les  peuples  commerçants  sont  généralement  portés  à  négliger  le  métier  des
               armes, et nourrissent ainsi le germe de leur décadence. Uniquement préoccupés
               du négoce, ils brillent d'un certain éclat, puis vient cette décadence, parce qu'ils
               ne veulent ni ne savent maintenir leurs institutions militaires en harmonie avec
               leur  puissance  industrielle  et  commerciale.  Les  Phéniciens,  cependant,  eurent
               parfois l'esprit de conquête. La petitesse de leur Etat ne leur permettait pas de
               songer  à de  grands envahissements, et leur  faible population  n'eût pas suffi  à
               constituer des armées imposantes. Ils adoptèrent le système de tous les Etats







               1 Avant la deuxième guerre punique (Polybe, III, XXXIX), il existait une route
               reliant la Gaule à l'Espagne et à l'Italie. Cette route, que devait en partie suivre
               Annibal,  avait  été  ouverte  par  les  Phéniciens,  du  XIIIe  au  XIIe  siècle  avant
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