Page 30 - Histoire d'ANNIBAL par Cdt Eugène HALLIBERT 1870 - DZWEBDATA
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part, conviant à de brillantes destinées les déshérités et les mécontents de toute
classe, elles apportaient une puissante diversion aux maladies sociales qui
désorganisaient la cité.
Aït-Baal semble avoir tenu d'une main légère et ferme les rênes d'un Etat si
difficile à conduire, et son règne fut calme. Mais ses successeurs, Balezor et
Mytton, devaient voir se reproduire les troubles intérieurs qui avaient désolé le
pays sous la descendance de Hiram.
Les luttes de l'aristocratie et du peuple, auxquelles on croyait avoir mis fin, ne
tardèrent point à recommencer, et, en proie à un nouvel accès de fièvre, le corps
social parut menacé d'une décomposition prochaine. L'horizon politique était
gros d'orages. Pour comble de malheurs, le roi Mytton mourut en 833, laissant le
pouvoir à ses enfants mineurs, Pygmalion et Elissa.
On vit aussitôt les partis relever hardiment la tête et s'agiter passionnément, à la
faveur de cette minorité.
L'aristocratie, en possession exclusive de toutes les richesses et de tous les droits
politiques, fut violemment battue en brèche par les jalousies d'une bourgeoisie
marchande qui voulait diriger les affaires de l'Etat, et par les désirs inassouvis de
prolétaires dont le sort était singulièrement misérable. Le parti démocratique
semble alors l'avoir emporté. Le roi Pygmalion, dominé par les agitateurs
populaires, fut mis en demeure de consentir des concessions importantes, et
l'aristocratie, atterrée, dut avisera prendre des mesures de salut1. Ses instincts la
portèrent vers la côte d'Afrique.
Avant de suivre le sillage des navires qui vont emporter les émigrés, il est
indispensable d'insister sur un point, de mettre en pleine lumière l'une des faces
du caractère national qui, de Tyr, va se transplanter à Carthage. Contrairement
aux dispositions manifestées par les autres républiques de la Phénicie, la ville de
Tyr était animée d'un esprit militaire extrêmement prononcé, et l'on pourrait fort
bien la peindre sous une figure de femme, une main posée sur ses balles de
marchandises, mais l'autre sur la garde de son épée.
Majestueusement assise à la crête de son rocher fortifié, elle finit par tenir en
respect la puissance des Perses qui désolaient l'Asie Mineure2, et, dès le temps
de David, elle fut mise elle-même au rang des puissances avec lesquelles on doit
nécessairement compter lors des crises internationales3.
Les fortifications qui, du temps de Josué, entouraient le Paléo-Tyr avaient été
reproduites dans l'île, et la place, que l'eau protégeait de toutes parts, présentait
des défenses imposantes4. Elle était d'ailleurs couverte par une ligne de postes
détachés, établis sur le continent5. Pour le maintien de sa sécurité et de son
influence politique, la République entretenait une armée permanente, composée
de soldats recrutés en Asie, parmi les peuples les plus belliqueux6.