Page 32 - Histoire d'ANNIBAL par Cdt Eugène HALLIBERT 1870 - DZWEBDATA
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               S'abstenant de conquêtes, mais acharnée à la défense du territoire national, Tyr
               demeura  de  longs  siècles  à  l'abri  de  toute  atteinte1  ;  mais  elle  connut  enfin
               l'adversité. C'est alors que la métropole de Carthage fit, pour sa gloire, appel à
               toutes  les  ressources  d'une  vaillante  industrie.  Sa  constance  dans  la  mauvaise
               fortune fut, comme son patriotisme, au-dessus de tout éloge.

               Seule parmi toutes les villes de la Phénicie, qui se soumettaient avec une sorte
               d'empressement  au  roi  Salmanasar  (vers  l'an  700),  elle  résista  bravement  aux
               forces de l'Assyrie2. Echappée au glaive des Scythes (634-607), qui désolaient le
               littoral  phénicien,  elle  sut  tenir  treize  ans  (586-574)  contre  l'armée  de
               Nabuchodonosor3. Qui ne connaît enfin les prodiges opérés par les ingénieurs
               chargés de la défense de Tyr, lors du siège formé par Alexandre (332)4 ?

               Ruinée  de  fond  en  comble  par  le  roi  de  Macédoine,  qui,  à  l'exemple  de
               Nabuchodonosor, voulait changer les voies du commerce du monde5, elle eut la
               force  de  renaître  de  ses  cendres.  Une  fois  relevée,  elle  reprit,  en  très-peu  de
               temps,  assez  d'importance  pour  allumer  la  convoitise  des  successeurs
               d'Alexandre,  assez  de  vigueur  pour  résister  treize  mois  à  Antigone.  Encore
               Antigone ne put-il la prendre que par trahison (313).

               Ces observations historiques, qui entraînent le lecteur bien au delà des limites du
               règne de Pygmalion, devaient lui être présentées, pour qu'il sentit battre au cœur
               de la race tyrienne un sang ardent et généreux, capable de grandes entreprises, et
               dans  le  commerce  et  dans  la  guerre.  C'est  le  sang  des  jeunes  patriciens  qui
               s'embarquent6 et disent résolument à Tyr un éternel adieu. La cité qu'ils vont
               fonder  héritera  des  vertus  guerrières7  qui  valurent  à  la  mère  patrie  sa
               prééminence sur les autres républiques de la ligue phénicienne.









               1  Elle passait pour  imprenable, Isaïe, XXIII, 12.  —  On  disait  Tyr  la  Vierge,
               comme nous disons, en France, Metz la Pucelle.
               2 Sidon, Aké, l'ancienne Tyr et beaucoup d'autres villes se révoltèrent contre les
               Tyriens et se livrèrent au roi des Assyriens. Comme les Tyriens ne voulurent pas
               reconnaître son pouvoir, le roi marcha de nouveau contre eux ; les Phéniciens
               rebelles  lui  équipèrent  une  flotte  de  soixante  navires  montés  par  huit  cents
               rameurs.  Les  Tyriens  les  attaquent  avec  douze  navires,  dispersent  la  flotte
               ennemie et font cinq cents prisonniers. Le roi Salmanasar se retira, en établissant

               des postes autour du fleuve, afin d'empêcher les Tyriens de venir y puiser. Les
               Tyriens  furent  réduits  à  boire  à  des  puits  forés,  et  cela  durant  cinq  années
               d'investissement. (Fragments de Ménandre, dans Josèphe, Antiq. Jud., IX, XIV,
               2.)

               3 Saint Jérôme, in Ezech., XXV et XXVII, et in Amos, I.
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