Page 36 - Histoire d'ANNIBAL par Cdt Eugène HALLIBERT 1870 - DZWEBDATA
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tour d'horizon rapide leur découvrit des lieux singulièrement propices à la
création d'un grand centre de population.
A leurs pieds et au sud, ils voyaient une plage superbe, très-basse et formée
d'alluvions dans lesquelles il devait être facile de creuser des ports ; à l'est, entre
Byrsa et la mer, se développait une plaine d'environ sept cents mètres de
longueur, ayant pour soutènement de hauts quartiers de roc vif. Là pouvait être
bâtie une grande ville, dont les édifices, frappés par les premiers rayons du
soleil, eussent, dès le malin, projeté leur image sur la nappe azurée d'un beau
golfe. Au nord, les émigrés tyriens dominaient une vallée magnifique, qui
semblait appeler sa transformation en un vaste quartier de plaisance, semé de
jardins, de villas et de palais d'été ; à l'ouest enfin, ils voyaient s'étendre à perte
de vue une région fertile, ayant pour avant-scène un isthme bordé de lacs que
couvraient des vols de grèbes et de flamants aux ailes roses.
Bâtie en cet endroit, une place maritime devait être facile à défendre, car elle se
trouvait, dit Polybe, située dans un golfe, sur une pointe en forme de presqu'île,
et ceinte, d'un côté, par la mer, de l'autre, par un lac. L'isthme qui la rattachait à
la Libye avait 25 stades de largeur (4 kil. 625 m.)1.... Cette langue de terre était
de plus barrée par une suite de mamelons ardus et difficiles, ne communiquant
avec la plaine que par quelques passages pratiqués de main d'homme... Non loin
de là, le fleuve Makara (l'oued Medjerda) interdisait toute communication avec
la campagne, et l'abondance de ses eaux le rendait presque partout
infranchissable2.
D'accord avec Polybe, Appien donne à l'isthme une largeur de 25 stades (4 kil.
625 m.). Il ajoute que la petite bande de terre courant au sud entre la mer et le
lac n'avait qu'un demi-stade (92m,50) de large, et que, à l'est, du côté de la mer,
une ligne continue de rochers à pic défendait l'accès de la presqu'île3.
Le plateau de Byrsa, qui servait d'observatoire aux Tyriens, était très-escarpé4. Il
commandait de près de soixante mètres la campagne environnante, et son
périmètre mesurait trois ou quatre kilomètres5. De forme à peu près
rectangulaire et naturellement fortifié, il présentait une superficie suffisante à
l'assiette d'une bonne acropole.
Les exilés résolurent de s'y établir, et, en arrêtant ainsi leur choix, ils firent
preuve d'un grand tact, car, dit M. Beulé6, la beauté de la situation de Byrsa ne
le cède point à sa force ; elle commande la plaine, l'isthme, la mer, et présente
une vue que ni Rome, ni Athènes, ni Constantinople ne surpassent en grandeur.
Je ne connais point de ville qui occupe un site aussi favorable, et qui ait autour
d'elle des horizons plus grandioses. La mer découpée par des caps et des
promontoires, qui invite de toutes parts un peuple de navigateurs ; des lacs à la
1 M. Romé de l'Ile (Métrologie) distingue huit stades de valeurs différentes. Le
stade olympique, le plus usité de tous, mesurait exactement 184m,955. Nous
avons pris le nombre rond 185 mètres.