Page 68 - Histoire d'ANNIBAL par Cdt Eugène HALLIBERT 1870 - DZWEBDATA
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               Quand Hercule, dit Salluste1, selon les traditions africaines, eut péri en Espagne,
               son armée, composée de nations diverses, sans chef, en proie à des ambitieux
               qui s'en disputaient le commandement, ne tarda pas à se débander. Une partie,
               s'étant embarquée, passa en Afrique. C'étaient des Mèdes et des Arméniens, qui
               s'établirent sur le littoral de la Méditerranée, et des Perses, qui s'enfoncèrent plus
               loin vers l'Océan...

               Les  Perses,  peu  à  peu,  se  mêlèrent  aux  Gétules  par  des  mariages,  et  comme
               souvent,  tâtant  le  pays,  ils  étaient  allés  de  place  en  place,  eux-mêmes  se
               donnèrent le nom de Numides.

               Quant aux Mèdes et aux Arméniens, ils s'unirent aux Libyens, plus rapprochés
               de la mer d'Afrique, tandis que les Gétules étaient plus au midi, non loin des
               ardeurs du tropique... Les Libyens corrompirent peu à peu leur nom, et, au lieu
               de Mèdes, les appelèrent Maures, en langue barbare... La puissance des Perses
               fut  longue  à  se  développer...  Plus  tard,  à  cause  de  leur  multitude,  ils  se
               séparèrent  de  leur  souche,  et  s'étendirent,  sous  le  nom  de  Numides,  dans  les
               cantons voisins de Carthage, qui s'appelèrent dès lors Numidie. Puis, s'aidant les
               uns  les  autres,  ils  subjuguèrent  par  les  armes  ou  par  la  crainte  les  peuples
               limitrophes...

               En définitive, la plage inférieure de l'Afrique tomba, pour la majeure partie, en
               la  possession  des  Numides,  et  tous  les  vaincus  n'eurent  désormais  d'autre
               nationalité et d'autre dénomination que celles de leurs maîtres.

               Les éléments introduits par l'Hercule de Salluste étaient, pour la plupart, indo-
               européens2 Unis à ceux qui les avaient précédés en Afrique, ils formèrent une
               nation  puissante,  qui  ne  craignit  point  de  tenir  tète  à  l'Egypte3.  L'histoire  de
               l'énergique  résistance  qu'ils  opposèrent  à  Sésostris  est  gravée,  depuis  trente
               siècles, sur la muraille du temple de Karnak.

               En  résumé,  la  Libye  a  pour  premiers  occupants  ou  aborigènes  des  fils  de
               Laabim,  petit-fils  de  Cham.  Ce  peuplement  est  d'abord  modifié  par  les
               émigrations chananéennes et sémitiques, qui commencent au temps de Josué, et
               l'on assiste

                 la formation des nations gétules ; il subit, en second lieu, des altérations plus
               profondes, apportées par l'invasion des Indo-Européens, compagnons d'Hercule,
               et l'on voit, à la suite des Libyens primitifs, se dessiner les groupes des Numides
               et des Maures. Ces trois nations occupent nettement le littoral, et les Gétules,



               1 Guerre de Jugurtha.

               2 Strabon confirme le fait, XVII, III. Lucain, Pharsale.

               Nous ne faisons que suivre ici l'opinion d'Isidore de Séville, qui admet toutes les
               conséquences de la version de Salluste.

               3 La science égyptologique fournit quelques données inattendues touchant les
               populations primitives de la Libye. A l'ouest de l'Egypte, dit M. Alfred Maury
               (Revue  des  Deux-Mondes,  1er  septembre  1867),  se  trouvaient  des  peuples
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