Page 64 - Histoire d'ANNIBAL par Cdt Eugène HALLIBERT 1870 - DZWEBDATA
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               Mais  d'autres  circonstances  topographiques  rachetaient,  aux  yeux  des
               Carthaginois,  les  difficultés  de  mise  en  culture  de  la  Bysacène.  Ce  qu'ils
               admirèrent du premier coup d'œil, ce fut cette pléiade d'îles formant, au pourtour
               de leur nouvelle patrie, comme une ceinture de satellites maritimes. Ces stations
               étaient, en effet, précieuses pour une marine qui, loin de pouvoir s'aventurer au
               large, devait toujours, et nécessairement, serrer la côte en cabotant d'escale en
               escale. De plus, la disposition générale en était très-heureuse.

               En première ligne, le long du littoral tunisien, se rangent le rocher de Tabarque
               (Ta-Baraka ou Ta-Bahr-ka), la Galite1 et le Galiton2, les Sorelle, les Fratelli, le
               Chien,  Pila,  l'île  Plane  (Korsoura),  les  Djouamer3,  Monastir,  les  Kouriat4  le
               groupe des Kerkeney5, Surkenis ou l'île des Frissols, enfin Gerbey, l'ancienne île
               des Lotophages6 ;

               En seconde ligne : Pantellerie7, Linosa, le Lampion, Lampedouse8 ;

               En troisième ligne enfin, le groupe des îles Maltaises9, la Sicile, la Sardaigne.

               Tel était le magnifique champ maritime ouvert à l'ambition des émigrés tyriens.

               Leur  cœur  s'ouvrait  d'ailleurs  aux  plus  belles  espérances  à  l'aspect  des
               populations  indigènes,  qui  leur  faisaient  un  chaleureux  accueil10,  et  qu'ils
               voyaient, à leur grand étonnement, sorties des ténèbres de la barbarie. A cette
               époque, ils en étaient témoins, les premières lueurs de la civilisation venaient de
               poindre à l'horizon de l'Afrique septentrionale. Si l'on y rencontrait encore des
               peuples à l'état nomade, distribués par tribus et par clans, il s'y trouvait aussi



               1 La Galite, dite aussi Galacte, offre un bon mouillage et une aiguade. La côte
               en est très-poissonneuse. Silius Italicus, Punique, XIV.
               On a trouvé à la Galite un grand nombre de médailles carthaginoises.

               2 C'est le rocher connu des anciens sous le nom d'insula Pulmaria.

               3 Les Djouamer, dites aussi Zimbres, sont les Ægimures de l'antiquité. On leur
               donnait le nom d'autels. Virgile, Enéide, I.

               On prétend, ajoute Servius, qu'il y avait là une île qui s'affaissa subitement, et à
               la  place  de  laquelle  seraient  restés  ces  rochers,  où  les  prêtres  de  Carthage
               viennent faire leurs cérémonies religieuses ; d'autres les ont appelés autels de
               Neptune.

               Ægimure a donné son nom à la victoire navale et au désastre de M. Fabius Buteo
               (245).

               — Vers la fin de la deuxième guerre punique, Scipion fut poussé vers ces
               rochers, où, l'année suivante (203), se brisèrent 200 transports de Cn. Octavius.

               4 Les Kouriat sont aussi dites Coniglieri, les îles des Lapins.

               5 Les Kerkeney, alias Kerkina, Kerkeni, Cercina, forment un groupe de quatre
               îles. En 217, le consul Cn. Servilius Geminus leur fit payer une contribution de
               guerre de 10 talents (environ 58.000 francs). — Annibal y fit escale en 195.

               6 Gerbey, l'île des Lotophages, était alors appelée Meninx. Elle est située tout
               près du continent, par le travers d'un petit golfe semi-circulaire, dont elle ferme
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