Page 62 - Histoire d'ANNIBAL par Cdt Eugène HALLIBERT 1870 - DZWEBDATA
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               mer. Le plus considérable de tous est celui qui se jette dans la baie de Kelibia
               (l'ancienne Clvpea). On croit reconnaître dans ce torrent la rivière où faillit se
               noyer Masinissa poursuivi par Bocchar1.

               Entre les deux  Atlas  et le bourrelet de la  côte orientale, s'étend la région  des
               Cht'out', qui présente un aspect semblable à celui de la région des hauts plateaux
               de l'Algérie. Cinq rivières principales descendent du revers méridional du moyen
               Allas, coulent de l'ouest à l'est, et, formant éventail, ont pour commun récepteur
               le chot't' Sidi-el-Heni.

               Les deux seules qui aient des noms certains sont l'oued Seroud, qui passe près de
               Spaylah (l'ancienne Suffetula), et l'oued Fekka, près de Kasrin.

               Le S'ah'râ tunisien se fait remarquer surtout par son Chot't' el-Kebïr (le palus
               Tritonis des anciens) ; c'est un grand marais qui mesure, de l'est à l'ouest, plus
               de  80  kilomètres  de  long  ;  sa  largeur,  du  nord  au  sud,  est  au  moins  de  24
               kilomètres.  Il  est  semé  de  petites  îles  et  de  files  de  palmiers,  qui  servent  de
               poteaux indicateurs. Ces alignements d'arbres sont indispensables aux caravanes
               qui ont à traverser le lac. Sans ces repères, elles risqueraient, à chaque pas, d'être
               englouties sous des sables mouvants, de s'engouffrer dans les fondrières du vaste
               abîme.

               Naturellement, les colons tyriens commencèrent par remonter la Medjerda, pour
               en reconnaître tout le bassin. C'est une suite de magnifiques vallées qui durent,
               tout  d'abord,  les  séduire,  et  ils  donnèrent  aussitôt  à  cette  contrée  le  nom
               d'Afrique, manifestant ainsi leur intention bien arrêtée de s'y établir à demeure2.

               Cette Afrique proprement dite, qui fut aussi appelée, on ne sait trop pourquoi,
               Zeugitane, et que le bey de Tunis nomme aujourd'hui son quartier d'été3, cette
               Afrique  est  un  pays  fertile  ;  cependant  on  y  rencontre  des  cantons  où  le  sol,
               montagneux et coupé de rochers, de sables ou de marécages, se refuse à toute
               espèce de culture.

               La  région  des  Cht'out', dite  aussi  Bysacène,  du  nom  de  la  ville  de  Bysacium
               (Begny),  et  qu'on  nomme  aujourd'hui  le  quartier  d'hiver  de  la  Régence,  la
               région des flaques, est loin d'être aussi belle que l'ont dit les anciens. Les parties
               situées le long des côtes sont en général sèches et sablonneuses, là même où les
               terres sont réputées les meilleures ; l'intérieur du pays ne vaut guère mieux que
               le rivage. Tout le revers méridional du moyen Atlas est couvert de chênes verts,
               de térébinthes et de zenboudj (oliviers sauvages) ; cette zone forestière, courant
               de Zoungar (l'ancienne Zacchara) à Haidra, rompt seule la monotonie d'un sol
               frappé de stérilité.




                 Tite-Live, XXIX, XXXII.

               2  Afriqâh,  en  langue  punique,  signifie  établissement,  colonie.  C'était  le  nom
               même  de  Carthage,  la  colonie  par  excellence  (Suidas.)  Et  l'interprétation  de
               Suidas parait plus satisfaisante que l'étymologie de Servius, lequel tire Afrique
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