Page 58 - Histoire d'ANNIBAL par Cdt Eugène HALLIBERT 1870 - DZWEBDATA
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               Varron tire de λέψ, vent du sud-est, l'origine du mot Libye ; d'autres le font venir
               de  l'arabe  lub,  soif.  Hérodote  prétendait  que  c'était  le  nom  d'une  femme
               indigène,  de  l'antiquité  la  plus  reculée  ;  enfin  les  derniers  étymologistes
               admettent pour racine le phénicien lebya, lionne. Mais la Libye ne saurait être
               pour nous que le pays des fils de Laabim, fils de Mesraïm, fils de Cham1.

               Hérodote  divisait  le  continent  africain  en  trois  régions  distinctes  :  la  Libye
               habitée, correspondant au Tell du Maroc, de l'Algérie, de la Tunisie, y compris
               les  parties  les  plus  septentrionales  de  Tripoli  et  de  Barca  ;  la  Libye  peuplée
               d'animaux,  pays  des  dattes,  ou  Gétulie,  représentée  par  le  S'ah'rà  des  mêmes
               contrées ; enfin la Libye déserte, ou l'ensemble des espaces immenses parcourus
               par ces peuples nomades que l'on appelle, fort improprement, Touareg2.

               Il n'entre point dans le cadre de cet exposé de discuter la valeur des hypothèses
               diverses  émises  sur  les  conditions  exceptionnelles  faites  parles  révolutions  du
               globe à cette Libye, qu'environnent, d'une part, la Méditerranée et l'Océan, et, de
               l'autre, une mer de sables semée de rochers de sel. Faisons observer seulement
               que, à l'époque où n'étaient ouverts ni les détroits de Gibraltar et de Messine3, ni
               le canal de Malte, la Libye tenait à l'Europe ; que, durant cet âge géologique, une
               mer intérieure mettait vraisemblablement en communication l'Océan et le bassin

               oriental de la Méditerranée ; que cette mer s'ouvrait, d'une part, aux Syrtes, et, de
               l'autre,  en  cette  partie  du  continent  africain  comprise  entre  les  latitudes  des

               Canaries et des îles du Cap-Vert ; que les déserts sont apparus à la suite d'un
               soulèvement,  sans  doute  contemporain  de  celui  des  Pyrénées  ;  que,  à  cette
               époque, enfin, répondent les ruptures de Gibraltar, de Messine et du canal de
               Malte.

               La  Grèce,  dont  les  traditions  primitives  rappelaient  l'activité  des  volcans
               pyrénéens, ainsi que l'ouverture de Gibraltar, remontant, suivant les rapsodes, au

               temps  de  l'Hercule  phénicien,  la  Grèce  avait  encore  d'autres  légendes.  La
               Méropide  de  Théopompe,  le  récit  saïtique  recueilli  par  Solon  et  que  Platon
               répandit sous le nom d'Atlantide, témoignent de l'existence d'une grande terre
               d'Occident, qui se serait engloutie sous les eaux, à l'aurore des temps historiques.
               Ce fait admis, il faudrait lui donner pour contemporains et le soulèvement des
               Pyrénées et celui des déserts du continent africain4.

               Cependant  les  émigrés  tyriens  s'attachèrent  plus  spécialement  à  connaître  la
               région où ils venaient de planter leurs tentes. Les lieux ont peu changé depuis
               vingt-cinq siècles, et une rapide exploration du territoire tunisien nous permettra
               de reproduire les conclusions alors formulées par les colons.

               La chaîne ci-dessus décrite sous le nom de moyen Atlas coupe diagonalement le
               territoire tunisien du nord-est au sud-ouest. Cette ossature très-simple court, sans
               grands méandres, du cap Bon jusqu'à Tebessa. Les reliefs les plus
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