Page 70 - Histoire d'ANNIBAL par Cdt Eugène HALLIBERT 1870 - DZWEBDATA
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relégués au second plan, n'ont plus désormais pour patrie que l'immensité des
solitudes sahariennes.
Quelles furent les autres révolutions ethnographiques de la Libye jusqu'à l'heure
de la fondation de Carthage ? Il serait difficile d'en écrire l'histoire, mais nous
savons le nom des habitants du pays, au temps de l'arrivée des compagnons
d'Elissa. Justin parle des Africains, des Maxitains de cette époque1. Virgile, qui
ne paraît pas avoir suffisamment étudié la question, cite confusément les
Libyens, les Numides, les Massyliens, les Maures, les Gétules2. Il fait d'Iarbas3
un prince gélule. Mais nous suivrons de préférence la version de Justin,
corroborée de celle d'Eustathe. Le commentateur dit expressément que cet Iarbas
régnait sur les Nomades et les Maziques4. Ces Maxitains, Maziques ou
Massyliens, doivent être considérés comme les plus anciens habitants de la
Libye5. C'est à propos de la fondation de Carthage qu'il en est pour la première
fois fait mention dans les textes ; mais la science égyptologique vient de leur
restituer une haute antiquité. Parmi les peuples de Libye auxquels on donne
improprement le nom générique de Tamehou, et que MM. de Rougé et Alfred
Maury rattachent à la famille indo-européenne, on distingue les Rebu ou Lebu
(Libyens) et les Maschuasch ou Masuas, dans lesquels M. Brugsch reconnaît les
Maxyes d'Hérodote6. Ce peuple mazique, ou plus exactement amazir', était
donc maître de l'Afrique septentrionale au temps du roi Sésostris. Mais il est
permis de supposer qu'il en occupait déjà le sol durant l'âge antéhistorique. Ce
qui le prouve, ce sont ces monuments extraordinaires qu'on rencontre en Algérie,
principalement dans la province de Constantine, et qui, suivant le docteur Judas
et le colonel Carette, présentent des analogies frappantes avec les dolmens, les
menhirs et les cromlechs de la Bretagne7.
Il est vraisemblable que, à une époque perdue dans la nuit des âges, des Galls,
suivant la loi qui dirige du nord au sud les courants ethnologiques, sont
descendus de la région armoricaine pour se réfugier en Libye. Ces flux indo-
européens, dont l'invasion des Vandales au Ve siècle de notre ère est le plus
récent épisode, devaient fréquemment se produire, eu un temps où n'existaient ni
Gibraltar, ni le détroit de Messine, ni le canal de Malte ; où, par conséquent, les
envahisseurs ne rencontraient sous leurs pas aucune solution de continuité.
Il est encore un autre témoignage de la réalité de ces migrations : c'est l'analogie
qu'on observe entre la langue tamazir't et l'idiome breton ; entre le costume
national des Imazir'en et celui des Armoricains.
Enfin l'onomatologie topographique apporte aussi son contingent de preuves.
Qu'on jette les yeux sur une carte de la Bretagne ou de l'Irlande, en laissant dans
l'ombre tous les noms de lieux qui n'ont pas une physionomie purement
Justin, XVIII, VI.
2 Virgile, Enéide, IV, passim.
3 Une tribu des Ierbès existe encore en Algérie. On la rencontre sur la plage,
route de Philippeville à Bône.