Page 74 - Histoire d'ANNIBAL par Cdt Eugène HALLIBERT 1870 - DZWEBDATA
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                   CHAPITRE V. — SPLENDEUR DE L'EMPIRE CARTHAGINOIS.



               Il  est  assurément  impossible  de  suivre  pas  à  pas  le  développement  de  la
               puissance  carthaginoise,  depuis  sa  fondation  jusqu'au  temps  d'Annibal.  Les
               données historiques font, le plus souvent, défaut, et tout ce qu'on peut faire, c'est
               de jalonner une voie obscure de quelques repères lumineux.

               Au milieu des ténèbres où sont noyés pour nous les premiers siècles de la fille de
               Tyr, on voit cependant percer un point brillant : c'est l'idée fixe de la domination
               des  populations  libyques  et  la  persistance  des  aspirations  au  monopole
               commercial  de  l'Occident.  Une  main  lourdement  appuyée  sur  le  continent
               africain,  l'autre  incessamment  tendue  vers  les  îles  de  la  Méditerranée,
               l'ambitieuse Carthage s'étend en tous sens, et touche à l'apogée de sa splendeur
               vers la fin du Ve siècle avant l'ère chrétienne.

               Selon Diodore de Sicile, c'est vers l'an 700 que les Baléares tombèrent en son
               pouvoir.  Elle  y  établit  des  bassins  de  radoub,  de  vastes  entrepôts,  et  créa  la
               colonie d'Eresus, pour servir de parc à esclaves. Elle troquait cette marchandise
               humaine contre des vins, des huiles, des laines et des mulets.

               L'île  de  Corse,  primitivement  soumise  aux  Etrusques,  était  inoccupée  et
               dédaignée  de  toutes  les  puissances  maritimes,  à  cause  de  sa  stérilité  et  des
               mœurs  sauvages  de  ses  habitants.  Néanmoins,  les  Phocéens  manifestèrent
               l'intention  d'y  ouvrir  un  comptoir  et  de  faire  d'Aléria  une  escale  permanente.
               Carthage crut devoir s'opposera une entreprise qui semblait préjudiciable à ses
               intérêts,  et,  dans  ce  but,  s'unit  résolument  aux  Etrusques.  Les  flottes  alliées,
               fortes de soixante voiles, se mesurèrent avec la marine de Phocée, l'une des plus
               solides du temps, et remportèrent une victoire éclatante. Aléria fut détruite, et les
               Grecs ne purent se maintenir dans l'île, où Carthage s'établit aussitôt (536). Bien
               qu'elle n'attachât que peu de prix à celte conquête, elle y entretint dès lors des
               forces suffisantes pour en éloigner des rivaux dangereux.

               Mais  c'est  surtout  la  Sicile  qui  avait  le  privilège  d'attirer  les  regards  de
               convoitise des Carthaginois. La possession de l'île entière leur eût assuré, pour
               des  siècles,  la  domination  absolue  du  bassin  de  la  Méditerranée.  Aussi  en
               poursuivirent-ils  la  conquête  avec  cette  persévérance  particulière  aux
               gouvernements aristocratiques.

               Malchus, le premier soff’ète dont l'histoire de Carthage fasse mention1, apparaît
               sous  les  traits  d'un  conquérant,  et  doit  principalement  sa  gloire  à  ses  belles
               expéditions  de  Sicile.  C'est  à  lui  que  les  Carthaginois  durent  une  importante
               partie de l'île objet de leur ardente ambition (536).

               Pour  juger  des  difficultés  que  les  Carthaginois  rencontrèrent  dans  toutes  les
               entreprises  tendant  à  l'extension  ou  simplement  à  la  conservation  de  leur
               conquête, il convient de jeter ici un coup d'œil sur la situation ethnographique de
               la Sicile.
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