Page 76 - Histoire d'ANNIBAL par Cdt Eugène HALLIBERT 1870 - DZWEBDATA
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violente. Les peuplades ibériennes, brusquement refoulées, avaient été conduites
a forcer les passages des Pyrénées orientales, et celle des Sicanes, la première de
toutes, était entrée en Gaule. Puis, suivant le littoral méditerranéen et descendant
toute la péninsule italique, elle était parvenue à passer dans l'Ile de Trinacrie,
qui, dès lors, s'était appelée Sicanie, du nom même des conquérants.
Plus tard, vers l'an 1360, les Sicules, peuple de la Circumpadane, furent à leur
tour heurtés par l'invasion gauloise. Arrachés du sol où ils s'étaient implantés, ils
descendirent vers le sud et, de station en station, se réfugièrent en Sicanie. Les
fréquentes éruptions de l'Etna en rendaient alors les côtes orientales absolument
désertes. Ils s'y installèrent et, refoulant peu à peu la nation des Sicanes, finirent
par donner leur nom à l'île entière.
Du XIe au IXe siècle, la Phénicie se vit maîtresse de tout le littoral sicilien.
Soloès, Motya, Palerme, Eryx, étaient autant de comptoirs desservant son riche
commerce ; mais, impuissante à ruiner la concurrence étrangère, elle lui
abandonna tout le terrain conquis, à l'exception des factoreries de la côte
occidentale.
Cette concurrence était celle des Grecs, dont les instincts d'expansion n'avaient
pas besoin d'être surexcités, et qui, cédant aux séductions de l'opulente Sicile, en
avaient de bonne heure exploité quelques points. Voyant les premiers occupants
leur céder assez facilement la place, ils s'y installèrent à demeure, et couvrirent
bientôt la côte de leurs nombreux établissements, parmi lesquels il suffira de
citer ceux de Naxos (créé en 736), Syracuse (735), Hybla (735), Leontium,
Catane (730), Géla (690), Acræ (665), Casmenæ (645), Himera (639), Sélinonte
(630), Agrigente (582). Agrigente, colonie de Géla, et Syracuse, fille de
Corinthe, devinrent en peu de temps les deux premières cités de l'île. Leur
opulence et la magnificence de leurs édifices sont demeurées célèbres dans
l'histoire des guerres de Sicile.
Ainsi, pendant que les Carthaginois s'établissaient sur les côtes d'Afrique, les
Grecs, s'avançant parallèlement à leurs rivaux, et dans le même sens, occupaient
le rivage opposé de la Méditerranée.
Malchus s'empara tout d'abord des anciennes colonies phéniciennes, y organisa
l'exportation des huiles et du vin, dont l'Afrique était alors complètement privée,
et fortifia tous les points de l'île qui regardaient Carthage. Cette base
d'opérations, d'une défense et d'un ravitaillement faciles, allait permettre aux
conquérants de s'avancer dans l'intérieur, mais ils ne purent jamais le faire que
pied à pied, et par séries alternatives de succès et de revers. La Sicile est un
champ clos où doivent se résoudre, par la voie des armes, les plus hautes
questions politiques du monde occidental.
C'est encore Malchus qui donne à son pays la Sardaigne (530)1. Mais cette
conquête lui coûte la majeure partie de l'armée qu'il commande2, et, victime de
l'ingratitude de son gouvernement, il ne rentre à Carthage que pour y mourir
d'une façon misérable. Carthage cependant ne laissa pas échapper la Sardaigne ;
elle y fonda Cagliari, Sulchi et d'autres places, destinées à appuyer ses