Page 80 - Histoire d'ANNIBAL par Cdt Eugène HALLIBERT 1870 - DZWEBDATA
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               d'enterrer leurs morts, au lieu de les brûler, et leur demandait en même temps
               des  secours  contre  la  Grèce,  où  il  allait  porter  ses  armes.  Les  Carthaginois
               refusèrent le secours, mais se soumirent immédiatement aux autres injonctions,
               pour ne point paraître désobéir en tout à Darius.

               Délivrée  des  terreurs  que  l'entreprise  persane  avait  fait  naître,  la  politique
               carthaginoise  porta  de  nouveau  ses  vues  sur  l'Espagne  (516).  On  ne  pouvait
               mieux choisir le moment pour mener à bien une expédition de cette importance,
               car  un  homme  de  génie  était  alors  à  la  tête  du  gouvernement.  Nous  avons
               nommé Magon, successeur de Malchus, et le vrai fondateur de la puissance de
               Carthage1.

               C'est pendant que l'illustre Magon est à la tête des affaires que, pour la première
               fois, la République romaine et la République carthaginoise règlent leurs relations
               internationales en un document diplomatique qui nous a été conservé. Pour la
               première  fois,  l'historien  les  voit  en  présence  l'une  de  l'autre,  affirmant  leur
               coexistence politique, et stipulant des conditions destinées à assurer leur sécurité
               réciproque.  Maîtresse  de  la  Corse,  de  la  Sicile  et  de  la  Sardaigne,  Carthage
               trouvait dans cet archipel un dispositif d'approches tout naturel, et pouvait, de là,
               enserrer étroitement la péninsule  italique,  dont  les  côtes occidentales n'étaient
               plus  couvertes.  De  leur  côté,  les  Romains  possédaient,  dès  cette  époque,  une
               marine  marchande  qui,  fouillant  le  golfe  de  Tunis,  inquiétait  parfois  le
               commerce  de  Carthage.  Cette  situation  créa  un  rapprochement,  et  les  deux
               Républiques  signèrent  leur  premier  traité  (509)2.  Voici  ce  curieux  monument
               historique, dont Polybe nous donne le texte grec3 :

               Amitié  est  conclue  entre  Rome  et  ses  alliés,  Carthage  et  ses  alliés,  à  ces

               conditions : les Romains et leurs alliés ne navigueront point au delà du Beau
               Promontoire (promontorium Hermœum, aujourd'hui cap Bon ou Ras-Adder), à
               moins  qu'ils  n'y  soient  poussés  par  la  tempête  ou  la  poursuite  de  quelque
               ennemi. En ce cas, ils ne pourront acheter que ce qui leur sera nécessaire pour
               radouber leurs vaisseaux ou faire leurs sacrifices. Ils seront tenus de s'éloigner
               dans  le  délai  de  cinq  jours.  Les  marchands  qui  se  rendront  à  Carthage  ne
               pourront conclure aucune affaire commerciale sans le concours du crieur public
               et du greffier. Tout ce qui sera vendu en Afrique ou en Sardaigne en présence de
               ces deux témoins sera garanti au vendeur par la foi publique. Les Romains qui
               viendront  dans  la  partie  de  la  Sicile  soumise  à  Carthage  y  trouveront  bonne

               justice. Les Carthaginois s'engagent à respecter les Ardéates, les Antiates, les
               Laurentins, les


               1 Justin, XVIII, VII ; XIX, I.

               Le grand homme dont il est ici question s'appelait, au dire d'Hérodote, Hannon
               et non point Magon. Saint Jean Chrysostome l'appelle aussi Hannon (Orat. V,
               1.)

               Cicéron parle de ses richesses (Tusculanes, V, XXXII.) — Pline (VIII, XXXVI)
               dit que, le premier, il sut apprivoiser des lions ; qu'il cherchait à s'emparer du
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