Page 84 - Histoire d'ANNIBAL par Cdt Eugène HALLIBERT 1870 - DZWEBDATA
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               Sicile.  Mais  elle  était  alors  au  faîte  de  la  prospérité,  et  la  Providence  avait
               marqué la limite de ses succès. Un invisible allié des Grecs semblait aposté dans
               la  grande  île  tout  exprès  pour  arrêter  la  fille  de  Tyr,  et  crier  à  la  civilisation
               orientale  :  Tu  n'iras  pas  plus  loin  !  Cet  allié  terrible,  sombre  gardien  des
               destinées  de  l'Europe,  c'était  le  typhus.  Officiers  et  soldats  succombaient  en
               foule ; des armées entières étaient détruites ; Carthage était dans la stupeur.

               Imilcon s'avoua vaincu. Il évacua la Sicile, non toutefois sans avoir conclu avec
               Denys l'Ancien un traité qui consacrait en droit l'établissement des Carthaginois
               en Sicile. Outre leurs premières conquêtes, ils demeuraient maîtres du pays des
               Sicaniens,  de  Sélinonte,  d'Agrigente  et  d'Himère.  Camarine  et  Géla
               reconnaissaient leur autorité et devenaient tributaires. Leontium, Messine et le
               reste de file demeuraient indépendants ; enfin Syracuse restait à Denys.

               Les  Grecs  et  les  Carthaginois,  ces  deux  peuples  si  dissemblables,  si
               antipathiques l'un à l'autre par leur génie et leurs mœurs, paraissaient destinés à
               se rencontrer partout. Pendant qu'une lutte acharnée désolait la Sicile, l'ambition
               des  enfants  de  Baal  se  heurtait  à  celle  de  Cyrène,  fille  de  Lacédémone,  et  la
               Libye  était  le  théâtre  des  plus  violentes  contestations.  Le  traité  qui  intervint
               ultérieurement  entre  les  deux  rivales  valut  à  Carthage  tout  le  pays  entre  les

               Syrtes  ;  et  la  cession  de  ce  territoire,  qu'habitaient  les  Lotophages  et  les
               Nasamons  (Mak'-Ammon),  favorisa  singulièrement  le  commerce  intérieur,  en

               assurant le service des caravanes1.

               Nous rapporterons à ce sujet une légende touchante, qui peint sous les plus vives
               couleurs  le  caractère  du  patriotisme  carthaginois.  Entre  les  deux  Etats,  dit
               Salluste2, se trouvait une plaine sablonneuse tout unie, où il n'y avait ni fleuve ni
               montagne qui pût leur servir de limite ; ce qui occasionna entre eux une guerre
               longue et sanglante. Les armées des deux nations, tour à tour battues sur terre et
               sur  mer,  s'étaient  réciproquement  affaiblies.  Dans  cette  situation,  les  deux
               peuples  craignirent  de  voir  bientôt  un  ennemi  commun  attaquer  à  la  fois  et
               vainqueurs  et  vaincus,  également  épuisés.  Ils  convinrent  d'une  trêve,  et
               décidèrent que de chaque ville on ferait partir deux députés ; que le lieu où les

               quatre commissaires se rencontreraient serait la limite des deux États.

               Carthage  délégua  à  cet  effet  deux  frères,  nommés  Philènes, qui  firent  la  plus
               grande  diligence.  Les  députés  de  Cyrène  allèrent  plus  lentement,  soit  par
               négligence, soit qu'ils eussent été contrariés par le temps... Les Cyrénéens, se
               voyant un peu en arrière, et craignant d'être punis, à leur retour, du tort que leur
               retard va causer à leur pays, accusent les Carthaginois d'être partis avant l'heure,
               et font naître mille difficultés. Ils sont décidés à tous les sacrifices plutôt que de
               souscrire à une délimitation aussi désavantageuse. Les Carthaginois proposent
               une transaction fort équitable... Mais les Cyrénéens donnent à leurs concurrents
               le choix ou d'être enterrés vifs dans le lieu dont ils veulent faire la frontière de
               Carthage, ou  de  les laisser  eux-mêmes, et  aux  mêmes  conditions, atteindre  le
               point qu'ils convoitent.
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