Page 82 - Histoire d'ANNIBAL par Cdt Eugène HALLIBERT 1870 - DZWEBDATA
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Circéens, les Terraciniens, enfin tous les peuples latins sujets de Rome ; à
s'abstenir même de toute attaque contre les villes non soumises aux Romains, et,
s'ils en prenaient quelqu'une, à la rendre. Ils promettent de n'élever aucun fort
dans le Latium, et, s'ils descendent dans le pays à main armée, de n'y pas
demeurer la nuit1.
Polybe ajoute : Le Beau Promontoire est celui qui borne Carthage au nord. Les
Carthaginois ne veulent pas que les Romains poussent au delà vers le midi, sur
de grands vaisseaux, afin de les empêcher sans doute de connaître les
campagnes voisines de Bysace et de la petite Syrte, campagnes qu'ils appellent
Empories, à cause de leur fertilité2.
Le texte même de ce traité est l'expression vivante et de la prépondérance que la
République s'était acquise en Occident dès la fin du VIe siècle, et de l'art qu'elle
savait déployer pour terminer à son profit les conflits internationaux. Le principe
du monopole est formellement admis en sa faveur ; le commerce romain est
banni de toute la région Emporitaine, et ces prohibitions ne provoquent de la
part de Rome aucun acte de stricte réciprocité. Loin de là : Carthage peut donner
un libre essor à sa marine, exploiter à son aise tout le littoral italiote, sous la
seule condition de respecter les alliés et de ne point former d'établissements
militaires dans le Latium. Elle s'arroge là des droits exorbitants, et Rome, qui
compte à peine deux siècles et demi d'existence, se voit forcée de souscrire à ces
conditions. Son sénat ne songe encore qu'aux intérêts de la défense du territoire
il s'attache avant tout à organiser, autour du domaine national, un bon cordon
de garde-côtes, et fait expressément insérer dans l'acte qu'il revêt de sa signature
le nom des Ardéates, des Terraciniens, etc., c'est-à-dire de toutes les populations
qui, de Terracine à l'embouchure du Tibre, peuvent couvrir l’ager romanus.
Doué d'un sens politique extraordinaire, le sénat mesure exactement les forces
de Carthage, et ne se départira de son prudent système que du jour où il
entreverra le déclin de cette puissance.
Magon que nous surnommons le Grand laissa deux fils, qui, tous deux, dignes
héritiers de leur père, rendirent les plus grands services à l'Etat. L'un, Asdrubal,
mourut des suites de ses blessures en Sardaigne (489), après avoir été onze fois
revêtu de la dignité de soff'ète ; l'autre, Amilcar, conclut avec Xerxès un traité
d'alliance offensive contre un ennemi commun. Il y fut stipulé que les
Carthaginois attaqueraient les Grecs de Sicile, pendant que le roi de Perse
envahirait la Grèce. Amilcar procéda, en conséquence, à des armements qui ne
durèrent pas moins de trois ans, et débarqua à Palerme des forces considérables.
Il entreprit aussitôt le siège d'Himère ; mais vaincu par Gélon, tyran de Syracuse,
il périt le jour même de la bataille de Salamine (480). La Grèce et la Sicile
étaient sauvées.
Le pouvoir sembla pour un temps se perpétuer dans la famille de Magon le
Grand, et ses descendants poursuivirent avec acharnement cette conquête de la
Sicile, dont les Carthaginois ne cessaient de caresser l'idée. L'un d'eux, Annibal
Ier, prit Sélinonte, rasa Himère, fonda la colonie de Thermes (408), et entreprit