Page 115 - Histoire d'ANNIBAL par Cdt Eugène HALLIBERT 1870 - DZWEBDATA
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               aigu,  une  sorte  de  dent  ou  gros  clou,  qui  s'enfonçait  dans  le  pont  du  navire
               ennemi, lors de la brusque chute du pont-levis dit corbeau ; le tablier se trouvait
               alors  horizontal, et  la  communication  assez  solidement  établie  pour  permettre
               l'abordage. Cet appareil, bien manœuvré, valut à Duilius une victoire éclatante1.
               La flotte carthaginoise, forte de 130 navires, était commandée par Annibal. Le
               consul  culbuta  l'avant-garde  de  l'ennemi,  rompit  sa  ligne  de  bataille  et  le
               dispersa. Cette journée coûta aux Carthaginois 45 navires, 3.000 hommes tués et
               6.000 prisonniers (260).

               L'année  suivante  (259),  la  guerre,  jusqu'alors  concentrée  dans  les  eaux  de  la
               Sicile,  s'étend  au  grand  archipel  Tyrrhénien.  Annibal,  le  vaincu  de  Melazzo,
               ayant  pris  position  en  Sardaigne  avec  de  nouvelles  forces  navales,  le  consul
               Cornélius  s'empressa  de  faire  voile  vers  la  Corse  et  d'y  jeter  des  troupes  de
               débarquement. La chute d'Aléria (Alalia) amena la soumission de l'île entière.
               Là ne s'arrêtèrent point les progrès des Romains : l'heureux Cornélius mit le cap
               sur la Sardaigne, prit d'assaut la place d'Olbia, bloqua partout, prit ou détruisit
               les  escadres  puniques,  et  la  Sardaigne,  comme  la  Corse,  dut  reconnaître  son
               autorité.

               Rome se trouvait donc maîtresse de deux grandes îles de l'archipel Tyrrhénien,
               et l'on ne s'explique la rapidité de cette expédition féconde en résultats que par
               l'insuffisance  des  fortifications  d'Aléria  et  d'Olbia,  par  la  supériorité  que  les
               flottes romaines avaient déjà prise sur la marine carthaginoise, par la faiblesse
               des  garnisons  puniques  en  Corse  et  en  Sardaigne,  enfin  par  la  déplorable
               politique du gouvernement carthaginois, qui ne tendait qu'à lui aliéner l'esprit
               des populations.

               Les  consuls  de  l'an  208  unirent  leurs  efforts  pour  arrêter  les  progrès  que,  de
               nouveau, les Carthaginois faisaient en Sicile. Amilcar, qui commandait en chef,
               était  maître  d'Enna  et  de  Camarine  ;  il  avait  détruit  Eryx  et  tenait  Drépane

               (Trapani),  dont  les  défenses  étaient  extrêmement  respectables.  Enfin  son
               quartier  général  était  solidement  établi  à  Palerme.  Les  Romains,  ayant

               inutilement bloqué cette place, modifièrent sur-le-champ leur plan de campagne,
               et prirent Camarine pour nouvel objectif. Mais cette résolution faillit leur être
               fatale. L'habile Amilcar surprit les légions en marche, les tint enfermées dans
               une gorge étroite, et fut sur le point de les détruire. L'armée consulaire ne dut
               son  salut  qu'au  célèbre  dévouement  du  tribun  Calpurnius  Flamma  (258).
               Echappés au piège, les consuls poursuivirent leur route, et furent assez heureux
               pour  prendre,  avec  Camarine,  bon  nombre  de  places  de  la  province
               carthaginoise, parmi lesquelles se trouvaient Enna, Sittana, Erbesse et Camicum.
               Puis, pour terminer la campagne, ils tentèrent un coup de main sur les îles Lipari
               ; mais le brave Amilcar veillait, et cette pointe fut faite en pure perte.

               L'année  suivante  (267)  mesure  un  temps  d'arrêt  de  la  lutte  engagée  entre  les
               deux puissances, lutte terrible qui dure déjà depuis sept années  (264-257). La
               chute d'Agrigente a sapé par la base la domination de Carthage en Sicile ; la
               défaite  de  Melazzo  (260)  lui  a  enlevé  le  prestige  de  la  supériorité  maritime  ;
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