Page 111 - Histoire d'ANNIBAL par Cdt Eugène HALLIBERT 1870 - DZWEBDATA
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               l'alliance  romaine1.  Le  traité,  consenti  sur  les  bases  les  plus  larges,  fut
               singulièrement profitable à la suite des opérations de l'armée consulaire2, qui,
               jusque-là, n'avait point cessé d'être coupée de Rhegium, et ne se ravitaillait, par
               suite,  qu'avec  une  extrême  difficulté.  Elle  put  dès  lors,  sans  s'inquiéter  des
               escadres puniques qui tenaient le détroit, reprendre à l'intérieur le cours de ses
               expéditions,  ayant  toujours  son  service  des  subsistances  parfaitement  assuré.
               Battus en toutes rencontres, les Carthaginois en lurent bientôt réduits à leur base
               d'opérations  en  Sicile.  C'était  la  fameuse  place  d'Agrigente.  Annibal,  fils  de
               Giscon,  s'y  était  enfermé  avec  les  50.000  hommes  qui  lui  restaient,  et  se
               défendait vigoureusement, en attendant qu'on vînt le dégager3. La γερουσία fit,

                 cet  effet,  passer  dans  l'île  une  armée  de  secours  de  50.000  hommes
               d'infanterie,  6.000  hommes  de  cavalerie  et  60  éléphants.  Ces  forces  étaient
               assurément fort respectables ; le vieil Hannon, qui en avait le commandement,
               ne  put  néanmoins  réussir  à  faire  lever  le  siège.  Agrigente  succomba  sous  les
               efforts des légions romaines (262).

               La  chute  de  cette  place  devait  entraîner  celle  de  tous  les  postes  fortifiés  de
               l'intérieur, et la campagne suivante (261) vit tomber aux mains des consuls la
               majeure partie des centres de population, villes ouvertes et villages. La rapidité
               de  ces  succès  ne  saurait  être  pour  nous  un  sujet  d'étonnement,  car  diverses
               circonstances favorisèrent les Romains. Les Carthaginois s'étaient rendus odieux
               aux Grecs siciliens. Les villes encore indépendantes, comparant la discipline des
               légions aux excès de tous genres qui avaient signalé le passage des mercenaires
               d'Agathocle, de Pyrrhus et des généraux carthaginois, accueillirent les consuls
               comme des libérateurs4.

               Ces  résultats  étaient  d'une  immense  importance.  Les  Romains  pouvaient  se
               considérer  comme  maîtres  de  la  Sicile  ;  toutefois  ils  sentaient  bien  que  la
               possession  ne  leur  en  serait  définitivement  acquise  que  s'ils  parvenaient  à  en
               expulser complètement les Carthaginois. Or ceux-ci, grâce à la puissance de leur
               marine,  avaient  toujours  pied  sur  la  côte.  Comment  les  en  arracher  ?  A  quel
               moyen recourir pour garder la précieuse conquête qu'on venait de faire ?

               Le problème ainsi posé, le sénat de Rome devait s'attacher opiniâtrement à la
               recherche  d'une  solution.  Il  n'en  est  qu'une  possible  !  telle  est  la  conclusion
               bientôt formulée par le bon sens romain. C'est la marine punique qui crée tous
               les  obstacles  ;  il  faut  détruire  ou,  tout  au  moins,  tenir  en  respect  la  marine
               punique. Mais pour arriver à ces fins, une flotte est nécessaire, et Rome n'a point
               de flotte. Eh bien, qu'elle en improvise une.

               La marine romaine fut improvisée.
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