Page 109 - Histoire d'ANNIBAL par Cdt Eugène HALLIBERT 1870 - DZWEBDATA
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Le sénat de Rome eut de longues et honorables hésitations avant de décréter
l'envoi d'un secours aux dignes émules des gens de Rhegium. Cependant était-il
possible d'abandonner à Carthage une place aussi voisine de l'Italie ? Les
consuls ne le pensaient pas. Ils manifestèrent hautement leur sentiment à cet
égard, et convoquèrent le peuple au Forum. La soumission de la Sicile aux lois
de Carthage n'était pas douteuse, dit Polybe1, si les Mamertins ne recevaient pas
de secours. Etablis à Messine, les Carthaginois, déjà forts de leurs nombreuses
possessions dans l'île, n'eussent pas manqué de s'emparer de Syracuse. Pleins de
ces tristes pressentiments, et comprenant de quelle importance il était pour eux
de ne pas laisser les Carthaginois se servir de Messine comme de la culée d'un
pont destiné
leur descente en Italie, les Romains délibérèrent longtemps sur cette affaire...
Après un long tumulte, la discussion fut close, et le peuple vota. Cette fois
encore, la raison politique fit taire tous les scrupules, et, à la majorité des
suffrages, on déclara prendre fait et cause pour les Mamertins. Quelque coupable
que fût l'égarement de ces Campaniens, il était impossible, disait-on bien haut,
de leur refuser le nom d'Italiotes, et de répudier le principe des nationalités.
Chez les Romains, les décisions prises appelaient invariablement une mise à
exécution rapide. Le consul Appius Claudius, qui venait de peser de toutes ses
convictions sur l'expression des votes populaires, se mit immédiatement en
mesure de franchir le détroit. On donne ordinairement à ce consul le surnom de
Caudex, parce que ses armements consistèrent, suivant la plupart des historiens,
en chalands, gabares ou radeaux2, employés au transport des légions. Mais
Polybe, dont l'autorité n'est jamais contestable, rapporte que les Romains
opérèrent leur passage à bord de navires empruntés par eux aux ports d'Elée, de
Naples, de Locres et de Tarente3. Ces pentecontores4 purent sans doute prendre
la remorque quelques embarcations romaines, dont aucune alors n'était
pontée, et l'idée de cet emploi d'une flottille de remorqueurs a pu valoir à
Appius le surnom dont il s'est honoré.
Le débarquement s'effectua sans accidents, et le consul, dont l'entreprise pouvait
alors passer pour audacieuse, réussit à jeter toutes ses forces dans Messine (264).
Aussitôt Syracusains et Carthaginois viennent bloquer la place ; mais l'armée
consulaire exécute deux sorties vigoureuses, culbute l'ennemi et s'établit
militairement dans l'île. Un renfort de 35.000 hommes lui arrive en temps
opportun ; elle lance des colonnes mobiles dans toutes les directions, et emporte
au pas de course soixante-sept places, parmi lesquelles celles de Catane et de
Tauromenium.
Ces succès si rapides eurent un grand retentissement en Sicile, et l'effet moral en
fut considérable. Le roi Hiéron, qui, tout d'abord, avait fait cause commune avec
les Carthaginois, jugea du premier coup d'œil ces Romains, qu'il s'agissait de
jeter à la mer. Il entrevit l'avenir réservé aux deux puissances dont la lutte allait
désoler ses frontières, et s'empressa de sauver Syracuse en la jetant dans