Page 132 - Histoire d'ANNIBAL par Cdt Eugène HALLIBERT 1870 - DZWEBDATA
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la montagne et d'un autre poste à la base. Amilcar emporta de vive force la place
d'Eryx, située entre le faîte et le pied du mont, si bien occupés par ses
adversaires.
Dès lors, la croupe du mont Eryx devient, pendant deux ans, le théâtre d'une
lutte acharnée. Retranché à mi-côte entre deux corps ennemis, qu'il coupe
nettement l'un de l'autre, Amilcar assiège le camp romain supérieur, et repousse
énergiquement les attaques de celui qu'il domine. Incapables d'opérer leur
jonction, les légions se sentent également impuissantes à couper les Carthaginois
de la mer. Ceux-ci n'avaient qu'une seule route qui les reliât à la côte, mais cette
unique communication, bien défendue, suffisait à assurer le service de leurs
subsistances.
Ainsi paralysés par Amilcar, les consuls virent clairement que la situation était
désormais sans issue, et qu'ils pouvaient tournoyer des années entières autour
d'Eryx, sans faire avancer d'un pas les affaires de la République. Pour Amilcar,
s'il ne faisait point de progrès en Sicile, il avait la gloire d'y tenir en respect les
maîtres de l'Italie, et de les clouer au sol. Si la γερουσία avait voulu faire alors
de nouveaux sacrifices, et jeter sur la côte méridionale une armée bien
commandée, Carthage eût pu regagner tout le terrain perdu ; mais, suivant le sort
réservé d'ordinaire aux esprits d'élite, le grand Amilcar était loin d'être compris
de ses compatriotes, et ses belles conceptions ne leur inspiraient aucun élan
d'intelligence.
Après avoir tenté mille actions de vigueur, essayé toutes les manières de
combattre et supporté bien des misères, les armées en présence renoncèrent, d'un
commun accord, à poursuivre une lutte inutile. Alors, dit Polybe1, ils tressèrent
une couronne sacrée, non que leurs forces fussent épuisées, ou qu'ils
succombassent à leurs maux, mais en hommes invincibles, et qui n'ont même
pas le sentiment de leur pénible situation.
Aux yeux du sénat romain, il n'y avait qu'un moyen d'arracher l'intrépide
Amilcar
son nid d'aigle d'Eryx ; c'était de le couper lui-même de Carthage ; c'était de
reprendre encore une fois la mer. Le peuple, consulté, décida qu'il serait procédé
sans délai à la réorganisation de la marine (243). Cependant l'exécution de ce
projet n'était pas sans présenter des difficultés sérieuses, car le trésor était à peu
près vide, et, dans l'antiquité aussi bien que de nos jours, la construction et
l'entretien d'un matériel naval réclamaient impérieusement l'aide des plus gros
budgets. Le patriotisme de Rome para sans sourciller aux inconvénients de ce
manque de ressources. On vit ses intelligents citoyens venir au secours de la
République aux abois : les riches armaient chacun une quinquérème ; les autres
s'associaient pour offrir, à plusieurs, un navire de même rang. En peu de temps,
grâce à ces contributions volontaires, les ingénieurs purent lancer 200
quinquérèmes, construites sur le modèle de celle qu'on avait récemment prise à
Annibal le Rhodien. A ces forces imposantes le sénat joignit 100 trirèmes
réparées en toute hâte, et, dès le commencement de l'été 242, le consul C.