Page 128 - Histoire d'ANNIBAL par Cdt Eugène HALLIBERT 1870 - DZWEBDATA
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               remarquables, car, du fronton de l'Érycine, les aigles romaines plongeaient les
               deux  remparts  carthaginois.  Ces  conditions  exceptionnelles  n'intimidèrent  pas
               Amilcar, et sa résolution fut bientôt prise de couper les Romains de Palerme, de
               concentrer  toutes  ses  forces  entre  Palerme  et  Eryx,  afin  de  battre,  l'une  après
               l'autre, les garnisons de ces places. C'est l'art de diviser l'ennemi qui produit à la
               guerre les plus brillants effets. Comme le grand Bou-Baraka, Napoléon cherchait
               d'abord à couper la ligne de son adversaire ; cela fait, il enveloppait chacun des
               tronçons, et les détruisait successivement.

               Un  tour  d'horizon  rapide  ayant  révélé  à  Amilcar  l'importance  du  plateau
               d'Eircté1, il s'y installa hardiment pour gêner l'action de l'ennemi. Cette position,
               dit Polybe2, occupe les bords de la mer, entre Eryx et Palerme, et l'on admet
               généralement qu'elle est, plus que toute autre, favorable à l'établissement d'un
               camp retranché destiné à un long service. La montagne, en effet, est de toutes
               parts  à  pic,  et  s'élève  à  une  assez  grande  hauteur  au-dessus  de  la  plaine
               environnante. Le périmètre de la partie culminante ne mesure pas moins de 100
               stades (18 kil. 500m.). Tout le terrain qu'il enferme est propre à la culture et à
               l'élevage des troupeaux. Parfaitement abrité des vents de mer, il ne sert d'asile à
               aucune bête fauve. Du côté de la mer, et sur le versant par lequel il se rattache au
               continent sicilien, le mont Eircté est tellement bien entouré d'obstacles abrupts,
               que les quelques solutions de continuité de ces escarpes naturelles ne réclament
               qu'une  fortification  de  peu  d'importance.  Enfin,  sur  le  plateau  se  dresse  un
               mamelon  que  la  nature  semble  avoir  destiné  au  double  rôle  d'acropole  et  de
               poste-vigie. Cette excellente position militaire commande un port d'une bonne
               hauteur  d'eau,  relâche  fort  commode  pour  les  navires  qui,  de  Drépane  et  de
               Lilybée,  se  rendent  en  Italie.  Il  n'y  a  que  trois  chemins  donnant  accès  à  la
               montagne, et tous trois sont excessivement difficiles : l'un aboutit à la mer, les
               deux autres donnent dans la campagne. C'est là que l'audacieux Amilcar avait
               établi  son  camp  retranché.  N'ayant  le  soutien  d'aucune  place  amie,  ni  l'espoir
               d'un appui quelconque, il s'était jeté au milieu même des Romains. C'est de là
               qu'il les harcela maintes fois, et les mit gravement en péril.

               Tout  d'abord,  pendant  que  le  brave  Carthalon  opérait  une  forte  diversion  sur
               Egithalle, dont il eut le bonheur de s'emparer, Amilcar, descendu de son rocher
               fortifié, s'embarqua, dans le plus grand secret, pour aller, de nouveau, dévaster
               les côtes d'Italie, ce qui s'exécuta vivement, depuis le détroit de Messine jusqu'au
               territoire  de  Cumes.  La  Campanie  était  désolée.  Or  la  Campanie  touche  au
               Latium.  Rome  trembla. Aussitôt  les  consuls  reçurent  l'ordre  de  serrer  de  plus
               près Amilcar, d'entreprendre le siège de Drépane, sans ralentir celui de Lilybée,
               et  d'opposer  aux  forces  carthaginoises  d'Eircté  un  grand  camp  retranché  sous
               Palerme.

               Les Romains prirent position à moins d'un kilomètre  (5 stades) d'Amilcar, et,
               durant trois années (247-244), les deux armées ne cessèrent de s'observer et de
               se combattre, tout comme le firent, pendant l'hiver de 1854-1855, les Russes et
               les Anglo-Français, embusqués immobiles dans un coin de la Crimée. Ce fut une
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