Page 124 - Histoire d'ANNIBAL par Cdt Eugène HALLIBERT 1870 - DZWEBDATA
P. 124
124
CHAPITRE VIII. — AMILCAR BOU-BARAKA.
Les événements qui remplissent ces quinze premières années (264-249) ont, à
plusieurs reprises, modifié la situation politique et la conduite de la République
romaine. Au début de la guerre, on vient de le voir, Rome improvise une flotte,
et devient en un jour puissance maritime de premier ordre. L'incroyable succès
de Melazzo (260), les brillantes expéditions de Sardaigne et de Corse (259),
suivies de la grande victoire du cap d'Ecnome (256), révèlent aux Carthaginois
son intelligence de l'art naval, comme la prise d'Agrigente (262) et la rapide
conquête du territoire sicilien (261) ont, tout d'abord, établi sur terre son
irrésistible supériorité.
Rome a compris qu'elle ne pourra terrasser sa rivale qu'après avoir conquis
l'empire de la Méditerranée, et c'est vers ce premier but qu'elle tend avec sa
persévérance ordinaire. Mais, en entrant dans cette voie nouvelle, elle s'expose à
de graves mécomptes, et les désastres qu'elle subit lui apportent, sinon des
hésitations, au moins de longs et coûteux temps d'arrêt. Ainsi le gouvernement
romain, qui veut rapatrier les débris de l'armée de Regulus (255), se voit enlever
par la tempête 284 navires ; les consuls de l'an 253 arment en course pour
ravager l'île des Lotophages1. L'expédition réussit, mais, au retour, la mer
désempare ces corsaires en grande bande, et les engloutit avec leur proie. Quatre
ans plus tard (249), la défaite de Claudius Pulcher et l'insuccès de Junius coûtent
au département de la marine 1.000 transports et 320 trirèmes ou quinquérèmes.
La ruine du matériel et l'épuisement du trésor imposent alors au sénat romain
l'obligation d'une halte. Les eaux de la Sicile ne seront plus, durant un temps,
témoins de ces rencontres furieuses qui les ont tant ensanglantées. La lutte doit
reprendre sur terre, et se concentrer six ans dans un coin de l'île, à la pointe
occidentale de cette fertile Trinacrie, tant disputée. Les Romains occupent
Palerme ; les Carthaginois tiennent Drépane et Lilybée, et ces deux dernières
places sembleront longtemps imprenables. Ce sont les pièces maîtresses d'un
échiquier de dimensions restreintes, mais qui paraîtra s'agrandir sous la main
d'un homme de guerre justement célèbre, Amilcar Bou-Baraka2. C'est là que le
père du grand Annibal doit rendre aux armes de Carthage le prestige qu'elles ont
perdu.
1 Alias Meninx ; aujourd'hui Gerbey.
2 Amilcar est un nom qu'ont porté plusieurs généraux et soff'ètes carthaginois,
parmi lesquels nous nommerons :
Amilcar Ier, fils de Magon, tué par Gélon, près d'Himère, 480 avant
Jésus-Christ ; Amilcar II, député près d'Alexandre le Grand, mort en 331
;
Amilcar III, fils de Giscon, fait prisonnier au siège de Syracuse, mort en 309 ;
Amilcar IV, battu par les Romains, mis en croix en 269 ;