Page 121 - Histoire d'ANNIBAL par Cdt Eugène HALLIBERT 1870 - DZWEBDATA
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               C'est  ainsi  qu'en  250,  après  avoir  battu  leurs  adversaires  sous  les  murs  de
               Palerme, les Romains armèrent une flotte de 200 voiles, et jetèrent sur la plage
               de Lilybée quatre légions de débarquement. Mais cette place, qui, depuis la ruine
               d'Agrigente et la prise de Palerme, était la base d'opérations des Carthaginois en
               Sicile, avait à leur opposer une enceinte fortifiée des plus solides, une garnison
               de 10.000 hommes, et un gouverneur énergique, Imilcon. La défense de Lilybée
               est,  à  juste  titre,  demeurée  célèbre.  Les  Romains  ne  pouvaient  pas  obtenir
               d'investissement complet, ni s'opposer aux coups de main des divisions navales,
               opérant  régulièrement  des  ravitaillements  audacieux.  Pendant  qu'Annibal  le
               Rhodien  forçait  la  ligne  d'embossage  de  l'assiégeant,  le  brave  Imilcon,
               exécutant, en terre ferme, des sorties multipliées, lui détruisait la majeure partie
               de son matériel.

               Le sénat résolut de sortir, à tout prix, de cette situation, de rassurer des esprits
               manifestant  cette  sombre  inquiétude  que  connut  parfois  l'impatience  française
               durant  le  long  siège  de  Sébastopol.  Le  consul,  auquel  venait  d'échoir  le
               département  de  la  Sicile,  reçut,  en  conséquence,  l'ordre  de  brusquer  les
               opérations et de frapper, s'il était possible, un coup d'éclat. Mais ce consul, du
               nom de Claudius Pulcher, était un homme d'un caractère violent et d'un mérite
               très-contestable. Sa ruine ne se fit pas attendre.

               Claudius  essaye  d'abord  de  compléter  l'investissement  de  Lilybée,  et  coule  à
               l'entrée du port un grand nombre de vaisseaux, mais sans parvenir à barrer toutes
               les  passes.  Renonçant  aussitôt,  et  avec  une  inconcevable  légèreté,  à  ce  projet
               sagement conçu, il jette les yeux vers un autre point de l'île.

               Les Carthaginois tenaient aussi Drépane, et Adherbal, qui y commandait, était
               un  général  d'une  activité  sans  égale.  Sur  terre,  ses  nombreuses  patrouilles  de
               cavalerie tamazir't coupaient toutes les routes reliant Palerme à Lilybée, si bien
               que pas un convoi n'arrivait à l'armée de siège. Sur mer, il faisait croiser une

               multitude de petits navires fins voiliers, et ces corsaires ne cessaient d'inquiéter
               les  côtes  de  Sicile  et  d'Italie.  Ils  harcelaient  aussi  les  convois,  prenaient  ou

               coulaient  quantité  de  transports,  et  affamaient  ainsi  l'ennemi.  Le  consul,  se
               flattant de détruire Adherbal, força de rames vers les eaux de Drépane. Il avait
               sous ses ordres une belle escadre de 200 voiles, mais une suite de mauvaises
               manœuvres, un acte d'impiété odieux à tous les équipages1, l'habile tactique de
               l'amiral  carthaginois,  décidèrent  immédiatement  du  sort  des  Romains  :  77  de
               leurs vaisseaux firent côte, et 93 tombèrent au pouvoir d'Adherbal, qui ramassa,
               d'un coup, plus de 20.000 prisonniers.

               Les Romains n'étaient pas au terme de leurs désastres. Vers la fin de cette même
               année 249, le consul L. Junius avait été chargé d'escorter un convoi destiné à
               l'armée de siège. Il réunit à Messine 800 transports, avec 120 navires de guerre,
               et fait voile pour Syracuse. De là, pendant qu'il rallie ses retardataires, et afin de
               pourvoir  aux  premiers  besoins  des  assiégeants,  il  dirige  sur  Lilybée  400
               transports et quelques galères, sous la conduite des questeurs. Pour lui, dans le
               but d'éviter les Carthaginois, qui gardaient la pointe occidentale de l'île, il crut
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