Page 126 - Histoire d'ANNIBAL par Cdt Eugène HALLIBERT 1870 - DZWEBDATA
P. 126

126






               La γερουσία avait jusqu'alors opposé à Rome d'excellents généraux, qui, en ces
               temps  de  bon  sens  où  les  hommes  publics  n'étaient  point  encore  parqués  par
               spécialités,  se  montraient,  à  l'occasion,  bons  marins  ou  ingénieurs  habiles.
               Amilcar  IV,  Imilcon,  Adherbal,  Annibal  le  Rhodien  et  Carthalon,  depuis  le
               commencement de la guerre, ont vigoureusement défendu la cause de leur pays

                 mais Amilcar Bou-Baraka leur est bien supérieur. Génie audacieux et fécond,
               Amilcar est une figure militaire singulièrement originale ; il est doué de ce coup
               d'œil topographique qui fait les vrais capitaines1. Il est le maître de son fils ; et
               la  gloire  du  disciple  témoigne  de  la  grandeur  des  leçons.  On  reconnaîtra,  dit
               Polybe2,  que  l'armée  romaine  fut  de  beaucoup  plus  brave  que  l'armée
               carthaginoise.  Mais,  à  la  tête  des  généraux,  plaçons,  pour  le  courage,  la
               prudence, Amilcar Barca, le père de cet Annibal qui fit plus tard la guerre aux
               Romains.

               A peine investi du commandement des forces carthaginoises (248), Amilcar en
               réforme rapidement la discipline et la tactique ; il ordonne des exercices et des
               écoles,  fait  exécuter  des  marches,  enseigne  de  nouvelles  méthodes  de
               campement, rompt les soldats à toutes les ruses de guerre. Il les emmène ensuite
               en Italie, pour ravager la Locride et le Brutium3 : les Calabres deviennent un
               grand  camp  d'instruction,  où  tous  les  Carthaginois,  officiers  et  soldats,  sont
               appelés à mettre en pratique les théories du général en chef. On parcourt en tous
               sens  ce  pays  de  montagnes,  qui,  quarante  ans  plus  tard,  deviendra  le  réduit
               d'Annibal.  On  l'étudié,  on  fait  sur  cet  âpre  terrain  le  simulacre  de  toutes  les
               opérations  militaires  ;  on  défile  enfin  sous  les  yeux  d'Amilcar,  et  le  brave
               Amilcar, excellent juge en pareille matière, fait connaître à ses troupes qu'elles
               sont maintenant capables d'entrer en campagne et de se mesurer avec les vieilles
               légions  de  Rome.  On  appareille,  on  suit  la  côte  septentrionale,  et  le
               débarquement s'opère aux environs de Palerme (248).

               Les Romains, nous l'avons dit, occupaient cette place importante, et, de là, libres
               de  leurs  mouvements  en  terre  ferme,  poussaient  vigoureusement  le  siège  de
               Lilybée. La place d'Eryx venait d'ailleurs de tomber en leurs  mains.  Eryx, dit
               Polybe4, est une montagne qui s'élève sur la côte de Sicile et regarde l'Italie.
               Placée entre Palerme et Drépane, elle est surtout inaccessible du côté de cette
               dernière ville. C'est la plus haute montagne de l'île, après l'Etna, et le temple de
               Vénus en occupe le sommet. La ville est bâtie au-dessous du temple, et l'on n'y
               arrive que par des rampes difficiles. Cette conquête était due au consul Junius,
               qui cherchait depuis longtemps le moyen d'effacer le souvenir de ses fautes. Il
               occupait fortement le plateau de la Vénus Erycine, s'appuyait à la ville, et gardait
               avec soin tous les passages du côté de Drépane. De plus, il avait fortifié le port
               d'Egithalle, situé au pied de la montagne, et y entretenait une garnison de 800
               hommes.  La  position  d'Eryx  était  précieuse  pour  les  Romains,  qu'elle
               rapprochait  de  Drépane  et  de  Lilybée  ;  elle  jouissait,  d'ailleurs,  de  propriétés
               militaires
   121   122   123   124   125   126   127   128   129   130   131