Page 52 - Histoire d'ANNIBAL par Cdt Eugène HALLIBERT 1870 - DZWEBDATA
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                                          CHAPITRE IV. — LA LIBYE.



               Les  émigrés  tyriens  venaient  d'asseoir  leurs  premiers  établissements  sur  les
               rivages d'une région qui ne leur était pas complètement inconnue, car, à diverses
               époques  antérieures,  elle  avait  offert  asile  à  d'autres  colonies  phéniciennes1.
               Bientôt le périple ordonné par le roi Necao (vers la fin du VIIe siècle) et exécuté
               par des marins de Tyr2, leur apporta quelques notions nouvelles sur le continent
               où  ils  avaient  pris  pied.  Ils  surent  de  bonne  heure  tout  ce  que  nous  savons
               aujourd'hui de  cette immense  et  impénétrable  Afrique, fort  peu  de  choses, en
               somme, et rien de bien précis3.

               L'Afrique est une grande presqu'île triangulaire4, que baignent la mer des Indes
               et le golfe Arabique, l'océan Atlantique et la Méditerranée. Défendu, à l'est et à
               l'ouest, par des côtes aux effluves mortelles, ce continent sans découpures ne se
               prête guère aux investigations de la science, et c'est uniquement par induction
               qu'on  peut  en  dresser  la  charpente  orographique.  On  suppose  qu'il  comprend
               deux  vastes  plateaux  composés  de  terrasses  contiguës,  étagées  les  unes  au-
               dessus des autres, et constituant des chaînes plus remarquables par leur épaisseur
               que par l'altitude de leurs cimes.

               Le  plateau  du  sud,  de  forme  triangulaire,  a  pour  contreforts  deux  cours  de
               hauteurs parallèles aux côtes, et qui vont se nouer au cap de Bonne-Espérance.
               Depuis  plus  de  deux  mille  ans,  on  soupçonnait  que  cette  longue  terrasse  en
               forme  de  coin  était arrosée, vers son  centre  de  figure, par des  étendues d'eau
               considérables, et ces hypothèses n'étaient pas vaines. Les explorations récentes
               de  Burton  et  de  Speke  (1857)  ont  constaté  l'existence  des  grands  lacs
               équatoriaux.

               Le plateau du nord, qui seul doit être l'objet de la présente étude, est un énorme
               massif à base elliptique, ouvert au nord-est par la vallée du Nil, au sud-ouest par
               celle du Niger ; bordé au nord par la chaîne de l'Atlas, au sud par les monts
               Kong  et  Kamr.  La  zone  médiane  n'est  plus  semée  de  lacs,  mais  présente
               d'immenses espaces frappés de stérilité, des océans de sable, où surgissent çà et
               là,  comme  des  îles  verdoyantes,  ces  oasis  (ou-h'achich)  qui  font  parfois
               comparer le continent africain à une peau de panthère5.

               On divise habituellement ce plateau en six régions distinctes : les bassins du Nil,
               du Niger, de la Sénégambie, du lac Tchad, dont nous n'aurons guère à parler ; le
               S'ah'râ avec la côte tripolitaine, que le peuple carthaginois parcourut en tous




                 Utique, la grande Leptis (Lebeda), etc. Peut-être Tunis est-il également
               antérieur à Carthage.

               2 Cette circumnavigation est attestée par Hérodote (IV, XLII).

               3  Les  Grecs  ne  furent  pas  mieux  renseignés  à  ce  sujet.  Agathemère,
               Geographiæ informatio. — Aujourd'hui, les Sociétés de géographie de France,
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