Page 94 - Histoire d'ANNIBAL par Cdt Eugène HALLIBERT 1870 - DZWEBDATA
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                    CHAPITRE VI. — LUTTES DE CARTHAGE ET DE SYRACUSE.



               Les antiques annales de Carthage, résumées au chapitre précédent, ont nettement
               accusé  les  instincts  dominateurs  de  la  République  naissante.  Cette  première
               période historique devait être close vers la fin du Ve siècle, à l'heure où, s’étant
               développée  en  sens  divers,  Carthage  arrive  à  l'apogée  de  sa  puissance.  Une
               deuxième  période,  qu'il  convient  d'ouvrir  au  commencement  du  IVe  siècle,
               comprendra  l'histoire  de  ses  luttes  avec  Syracuse,  depuis  le  premier  traité
               consenti  entre  Imilcon  et  Denys  l'Ancien  (404)  jusqu'au  commencement  des
               guerres puniques (264).

               Durant cet intervalle, la politique carthaginoise va poursuivre la conquête de la
               Sicile,  avec  une  persistance,  une  énergie  dont  les  nations  modernes  semblent
               avoir  oublié  les  errements.  Elle  approchera  plusieurs  fois  du  but,  mais  sans
               jamais l'atteindre, car elle est en face d'une rivale au génie ardent et fier, une
               fille de Corinthe, qui, elle aussi, aspire à l'entière possession de l'île. Une pensée
               unique et constante se trahit dans tous les actes politiques de Denys l'Ancien et
               de  ses  successeurs,  celle  de  rejeter  à  jamais  les  Carthaginois  du  territoire
               sicilien,  d'annexer  celui-ci  à  la  Grande-Grèce,  de  faire,  enfin,  de  Syracuse  la
               capitale d'un royaume des Deux-Siciles.

               Quatre  grands  noms  historiques  jalonnent  cette  période  et, projetant  une  vive
               lumière sur la suite assez compliquée des événements, permettent d'en suivre les
               méandres.  Ce  sont  ceux  de  Denys  l'Ancien,  de  Timoléon,  d'Agathocle  et  de
               Pyrrhus.

               Denys l'Ancien n'avait signé le traité de 404 que dans le but de gagner du temps
               pour se préparer à la guerre. Dès que ses armements furent terminés, et qu'il se
               crut en mesure d'entrer en campagne, il dénonça l'armistice par un grand attentat
               contre le droit des gens, qu'on pourrait, par analogie, flétrir du nom de Vêpres
               Siciliennes. La personne et les biens de tous les Carthaginois de Syracuse furent
               livrés à la fureur du peuple ; et cet odieux exemple fut immédiatement suivi dans
               toutes les autres villes ou bourgs de quelque importance. La prise de Motya par
               Denys (397) démontra bientôt que le crime n'était, à ses yeux, qu'une forme de
               déclaration de guerre.

               Cette nouvelle jeta la consternation dans Carthage, et y éteignit la joie publique
               qui  s'était  manifestée  à  l'occasion  des  heureuses  expéditions  dirigées  vers  la
               Grande-Bretagne, et de la conquête définitive de la Corse (400). Pour comble de
               malheur, en ce moment, des quarantaines sévères n'avaient pas garanti la ville
               des effets d'une épidémie terrible, et le typhus, importé par des navires siciliens,
               y sévissait avec intensité.

               Le gouvernement de la République, qui avait à venger ses nationaux, dirigea sur
               la  Sicile  des  forces  considérables,  qu'Ephore  évalue  à  300.000  hommes
               d'infanterie  et  4.000  chevaux, 300  navires  de  guerre  et  600  transports.  Timée
               réduit  à  100.000  le  nombre  total  des  combattants,  et  ce  chiffre  paraît  encore
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