Page 98 - Histoire d'ANNIBAL par Cdt Eugène HALLIBERT 1870 - DZWEBDATA
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Si les Carthaginois prennent quelque ville du Latium indépendante des Romains,
ils garderont le butin et les prisonniers, mais rendront la ville. Si des
Carthaginois font prisonniers des gens qui ont des traités de paix avec les
Romains, sans être néanmoins leurs sujets, ils n'auront point le droit de les
conduire dans les ports romains : s'il en est introduit quelqu'un, tout Romain peut
le prendre et le rendre à la liberté. La même obligation sera imposée aux
Romains.
Si dans un pays soumis à Carthage un Romain fait de l'eau ou prend des
provisions, ce ravitaillement ne pourra lui servir à rien entreprendre contre ceux
qui ont paix et amitié avec les Carthaginois. Les Carthaginois seront soumis aux
mêmes lois. En cas d'infraction à ces stipulations expresses, on ne se fera pas
justice soi-même, et les nationaux seront responsables du dommage.
En Sardaigne et en Afrique, nul Romain ne pourra commercer, ni former
d'établissement, sinon pour prendre des provisions ou radouber son vaisseau. Si
la tempête l'y porte, il en repartira dans les cinq jours. Dans la Sicile soumise
aux Carthaginois et à Carthage, il fera et agira comme il appartient à tout
citoyen. Le Carthaginois, de son côté, fera de même à Rome.
Les clauses de ce traité montrent bien la jalouse Carthage en garde contre le
génie de Rome, ambitieux et envahissant. Les principes qu'elle parvient à faire
prévaloir, lors de celte révision du code international, comportent, à l'égard de sa
rivale, des mesures encore plus restrictives que celles qui avaient été prévues en
l'acte précité de l'an 509. Alors, il n'était question que du Beau Promontoire.
C'était l'unique limite au delà de laquelle l'accès de l'Afrique était interdit aux
Romains. En 347, il est encore d'autres bornes. Les points de Mastia et de
Tarseion1 sont expressément mentionnés, et la prohibition s'étend vers
l'occident. Depuis cent cinquante ans et plus, il était défendu à Rome de
commercer en Sardaigne et d'exploiter la Méditerranée au delà du canal de
Malte. Une nouvelle zone maritime va encore lui être interdite ; une ligne fictive
est tendue, comme une estacade, de l'embouchure du Ghelef (Gheliff) à
Carthagène, et, à l'ouest de cette ligne douanière, les eaux, comme si elles étaient
purement carthaginoises, ne pourront plus être pratiquées par les Romains. Leur
pavillon ne sera plus toléré que sur la côte septentrionale d'Afrique, entre
Mostaganem et Tunis, et les échanges ne se feront que dans des comptoirs
carthaginois. Telles étaient les théories économiques qui servaient alors à
réglementer le marché du monde occidental. Rome, simple puissance de second
ordre, doit en subir toutes les applications, mais il est facile de prévoir que de
telles servitudes commerciales feront naître, tôt ou tard, un long et terrible
conflit.
Après la mort de Denys l'Ancien, Syracuse fut violemment agitée par les excès
de Denys le Jeune, et, à la faveur de ces troubles, Carthage, toujours ardente en
ses convoitises, put jeter en Sicile un corps de 60.000 hommes, commandé par
Magon (352). Aussitôt les partis qui déchiraient la ville demandèrent aide et
assistance, l'un au tyran de Leontium, l'autre à la République de Corinthe. La