Page 44 - Histoire d'ANNIBAL par Cdt Eugène HALLIBERT 1870 - DZWEBDATA
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Virgile dit que les rues de la Byrsa étaient richement dallées1, excellente
disposition pour recueillir les eaux pluviales et pour les conduire dans des
citernes ; que la place était mise en communication avec l'extérieur par plusieurs
portes monumentales2 ; enfin qu'Elissa fit construire un théâtre et commencer
les ports3. Ces ouvrages hydrauliques, qui ont joué un si grand rôle dans
l'histoire de Carthage, méritent bien de fixer un instant notre attention.
Rien, dit un de nos écrivains justement estimés4, n'est plus difficile à reconnaître
que l'emplacement des deux ports. Cette assertion n'est, il faut bien le
reconnaître, qu'un cri de découragement, en présence de la divergence des
opinions jusqu'alors exprimées. Shaw, d'Anville, Estrup, cherchaient les bassins
de Carthage dans le voisinage du lac de Soukara, et non point de celui de Tunis.
Mannert les mit en communication directe avec ce dernier. Humbert,
Chateaubriand, Bötticher, Falbe, Dedreux, Camille Borgia, Dureau de la Malle,
Bouchet-Rivière, ont enfin restitué la véritable topographie des ports tout près
du rivage, au sud du plateau de Byrsa, et l'emplacement que la science leur
assigne est aujourd'hui tout à fait incontestable. M. Beulé ne s'est pas contenté
de préciser les emplacements, il a voulu connaître exactement la forme et les
dimensions des bassins. Les fouilles qu'il a faites sont du plus haut intérêt, et
nous en exposerons sommairement les résultats5.
Le mot cothon est la dénomination générique de tout port artificiel, c'est-à-dire
creusé de main d'homme6. Les Phéniciens avaient ainsi coutume de se tailler des
bassins en terre ferme. Tyr, Hadrumète, Hippo-Diarrhyte, Utique, s'étaient
ouvert de la sorte de vastes docks intérieurs : travaux grandioses, dont les projets
n'étaient point de nature à faire reculer une race aussi entreprenante que celle des
Américains de nos jours. Lorsqu'une côte offrait aux enfants de Tyr l'assiette
d'un établissement convenable, peu importait que la position fût dépourvue de
mouillage naturel : on creusait un bassin. Si la colonie prospérait, on créait un
second port derrière le premier. C'est, dit M. Beulé, ce qui s'est produit à
Carthage, dont les deux ports ont dû s'organiser à des époques différentes.
Cependant Virgile, dont l'autorité n'est jamais à dédaigner, parce qu'il peint tous
ses tableaux d'après nature et fait des descriptions plus exactes qu'on ne pense,
Virgile dit expressément : portus effodiunt et non point portum. Les ports de
Carthage avaient d'ailleurs des destinations différentes : l'un devait abriter les
navires de commerce, l'autre était réservé à la marine militaire.
Nourris des principes politiques de leur vaillante métropole, les colons tyriens
fondateurs de Carthage sentaient bien que, sans vaisseaux de guerre capables
1 Virgile, Enéide, I, v. 422.
2 Virgile, Enéide, I.
3 Virgile, Énéide, I, v. 427, 428.
4 Poujoulat, Histoire de saint Augustin, t. II.
5 Voyez Fouilles à Carthage, Imprimerie impériale, Paris, 1860, passim. —
Consultez aussi l'excellent plan de Falbe, 1833.