Page 131 - GUERRE DE JUGHURTA par SALLUSTE - Traduction Ch. Durozoir - 1865 - DZWEBDATA
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n'abandonneront pas un patricien illustre, que son zèle pour
l'Etat, et non sa lâcheté, aurait fait tomber au pouvoir de
l'ennemi».
CXIII. A cette proposition, le Maure reste plongé dans une
longue rêverie ; il promet enfin. Pensait-il à tromper
Jugurtha ? était-il de bonne foi ? C'est ce que nous ne
saurions décider. Chez les rois, les résolutions sont, la
plupart du temps, aussi mobiles qu'absolues, souvent tout à
fait contradictoires. Ensuite, à des heures et dans un lieu
convenus, Bocchus mande auprès de lui tantôt Sylla, tantôt
l'envoyé de Jugurtha, il les accueille tous deux avec
bienveillance, et leur fait les mêmes promesses, l'un et
l'autre sont également pleins de joie et d'espérance. Dans la
nuit qui précéda le jour fixé pour la conférence, le Maure
appela près de lui ses amis, puis, prenant un autre parti, il
les congédia aussitôt. Livré ensuite, dit-on, à mille
réflexions, il changeait, à chaque résolution nouvelle, de
contenance et de visage, trahissant ainsi, malgré son
silence, les secrètes agitations de son âme. Il finit pourtant
par faire venir Sylla, et prend avec lui des dispositions pour
la perte du Numide. Ensuite, dès que le jour fut venu,
informé de l'approche de Jugurtha, Bocchus, avec quelques
amis et notre questeur, sort au devant du prince comme
pour lui faire honneur, et se place sur une éminence d'où il
pouvait être vu très facilement des exécuteurs du complot.
Le Numide s'y rend aussi, accompagné de la plupart de ses
amis, et sans armes, selon la convention. Tout à coup, à un
signal donné, la troupe sort de l'embuscade et enveloppe
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