Page 225 - Histoires et Contes Arabes - Bibliothèque du bon vivant - 1927 - DZWEBDATA
P. 225
HISTOIRES ARABES
récompenser de la peine que tu prends à me distraire,
et te nommer à un haut emploi. Je t'institue chef
suprême de tous les entremetteurs du royaume.
Sans se gêner, le poète répliqua du tac au tac :
— En ce cas, ô émir des croyants, comme je con-
nais tes goûts, je m.e mets tout de suite à ta dispo-
sition.
Furieux, le calife fit aussitôt venir son porte-glaive,
il 'eunuque Masrou^, lui ordonna de déshabiller Abou
Nowas, de lui pa.scr un 'licou, de lui mettre un bât
d'âne sur le dos,, de lui enfoncer une plume d'au-
truche dans le derrière en guise de queue, et de le
promener ainsi à travers tout le palais pour être la
risée des sultanes et des esclaves, puis de lui couper
la tête et de d'apporter sur un plateau.
Masrour répondit par l'ouïe et par l'obéissance et
promena J 'infortuné poète à quatre pattes.
Cependant, toutes les favorites, qui aimaient géné-
ralement Abou Nowas pour sa drôlerie, son talent
et sa bonne humeur, s'apitoyèrent sur son sort et
demandèrent sa grâce au calife.
Ce dernier alla retrouver Masrour et Abou Nowas
au moment où celui-ci avait terminé sa promenade
dérisoire et devait être décapité, mais ne se montra
pas à eux et resta caché derrière une portière.
A ce moment, passait le vizir Giafar, qui, voyant
Abou Nowas couvert du bât de J'âne, lui demanda
quel crime il avait bien pu commettre.
— Je n'ai pas commis de crime, répliqua le poète.
J'ai simplement réjoui le calife qui, pour me remer-
cier, m'a donné sa plus belle robe.
lîaroun Ar Rachid, entendant cette répartie, ne put
s'empêcher d'éclater de rire. Il gracia le poète, qu'il
n'avait d'ailleurs jamais eu l'intention de faire exé-
cuter réellement et lui fît un beau cadeau.
— 230 —