Page 231 - Histoires et Contes Arabes - Bibliothèque du bon vivant - 1927 - DZWEBDATA
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H   I s T          IRES               ARABES



       résolut de coucher cette nuit-là avec elle. Mais aupa-
       ravant,  il lui demanda de jouer quelques airs de luth,
       ce qu'elle  fît avec le plus grand talent, sur vingt et un
       différents modes.
          Ravi à la limite dû ravissement, Haroun       fît appor-
       ter des coupes    de vin  et envoya    chercher   le poète
       Abou Xowas pour l'entendre improviser des poèmes         '^.l
       mettre en vers cette aventure. Son ennui       s'était dis-
       sipé et  il se promettait une délicieuse soirée.
         Un eunuque alla chercher Abou Nowas qui           n'était
       pas chez   lui. Après avoir parcouru tous     les cabarets
       et lieux mal famés de Bagdad,       il découvrit  le poète
       plus qu'à moitié ivre dans un bouge.
         — Le    calife,  lui  dit-il, t'ordonne de venir  sur-le-
       champ au palais.
         — Comment veux-tu que je vienne,         dit alors Abou
       Nowas, quand je suis retenu ici en otage par un jeune
       garçon  ?
         En effet,  le poète, grand amateur d'éphèbes, venait
       de coucher avec un mignon et, n'ayant pas d'argent
       pour payer, avait constitué sa propre personne comme
       caution jusqu'à l'acquittement de sa dette.
         L'eunuque demanda       à voir l'éphèbe    qui  apparut
       vêtu d'une tunique blanche. Alors, saisi d'inspiration,
       Abou   Nowas    improvisa    des   vers dans   lesquels  il
       comparait   la blancheur de     l'habit  à celle  du corps
       gracile du giton, qui retira alors sa tunique blanche
      et apparut vêtu de rouge.
         Il  s'est montré vêtu de rouge comme ses procédés
       cruels, chanta alors le poète, rouge comme ses joues,
      anémones teintes, semble-t-il, du sang de nos cœurs.
         Alors  le jeune homme,- retirant sa tunique rouge,
      se montra nu dans une tunique de soie noire qui des-
      sinait sa  taille cambrée ceinturée de soie verte.
         Et Abou Nowas déclara      :
         Ah ! Je  le vois maintenant     :  noirs sont  tes  vête-
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