Page 263 - Histoires et Contes Arabes - Bibliothèque du bon vivant - 1927 - DZWEBDATA
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HISTOIRES ARABES
II allait chaque matin chercher ce pain à la maison
du bourgeois. Il frappait à la porte, disait son nom,
et un esclave venait lui donner le pain.
Un jour, cet esclave n'était pas à la maison, et ce
fut la fille du maître qui se présenta. Elle était belle
comme la lune en son quatorzième jour, belle comme
Abla ben Malek elle-même, l'illustre amante du poète
Antar.
Elle lui tendit par la porte entr 'ouverte le pain cuit,
mais l'indiscret taleb, ayant passé son visage de l'autre
côté de la porte, aperçut un instant la belle adoles-
cente, et son cœur s'enflamma aussitôt. Il n'avait ja-
mais vu pareille beauté. Le sommeil et L'appétit le
quittèrent. La flèche meurtrière des yeux noirs et lan-
goureux comme ceux des gazelles avait atteint son but.
Rentré dans sa triste cellule d'étudiant, le pauvre
jeune homme réfléchit aux lïïoyens de satisfaire sa
passion. Il ne pouvait songer à épouser la jeune fille
et n'avait pas de quoi fournir la dot.
Comme il savait la magie, il résolut de s'emparer
par des incantations de l'objet de ses vœux. Il de-
manda pour cela à la servante de la jeune fille une
mèche des cheveux de celle-ci, ce qui lui permettrait
d'exercer ses charmes magiques.
Mais la servante se méfiait : elle accepta l'argent du
jeune homme et lui donna en échange non point une
boucle de cheveux de la jeune fille, mais une touffe
de laine qu'elle coupa sur une peau de mouton qui
servait de tapis.
Tout heureux, le taleb emporta la boucle et com-
mença chez lui ses fumigations et formules de sor-
cellerie.
A ce moment, la jeune fille et sa famille étaient en
train de déjeuner dans leur maison.
Tout à coup la peau de mouton s'éleva dans l'air,
sortit de la chambre, monta, monta, et disparut au-
dessus des terrasses des maisons.
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