Page 12 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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je l’assujettis par un bout à l’extrémité d’un chevron qui formait saillie
au-dessus de ma fenêtre, et je fais à l’autre bout un nœud coulant. Puis
me hissant sur mon lit, pour prendre le fatal élan de plus haut, je passe
ma tête dans le nœud ; mais au moment où je repoussais du pied le
point d’appui, afin que, par le poids du corps et la tension du lien, la
strangulation s’opérât d’elle-même, la sangle, qui était vieille et
moisie, se rompt tout à coup. Je tombe lourdement sur Socrate, dont le
lit se trouvait au-dessous ; je l’entraîne dans ma chute, et nous voilà
tous deux roulant sur le carreau
Là-dessus le portier entre brusquement, en criant à tue-tête : Où
êtes-vous donc maintenant, homme si pressé qui voulez partir, jour ou
nuit ? Vous ronflez sous la couverture. Je ne sais si ce fut la
commotion, ou l’effet de cette voix discordante, mais voilà Socrate qui
se réveille ; et, le premier sur pied : Que les voyageurs ont raison, dit-
il, de maudire ces valets d’auberge ! Je dormais d’un si bon somme !
et il faut que ce drôle, qui n’entre ici que pour voler, je parie, vienne
faire tapage et me réveiller en sursaut. O bonheur inespéré ! comme
je me relevai joyeux et alerte ! Honnête portier, m’écriai-je avec
effusion, le voilà mon bon camarade, mon bon père, mon bon frère,
que tu m’accusais cette nuit, ivrogne que tu es, d’avoir assassiné ! Puis
serrant Socrate entre mes bras, je le couvrais de baisers. Mais l’infâme
ablution dont m’avaient infecté ces harpies tout à coup le saisissant au
nez : Arrière, dit-il en me repoussant ; tu ne flaires pas comme baume.
Et les quolibets de se succéder sur l’origine de ce parfum. J’étais au
supplice, tout en tâchant de riposter par quelque plaisanterie du même
ton. Tout à coup, rompant les chiens, je lui frappe sur l’épaule :
Allons, dis-je, profitons de cette fraîche matinée pour commencer le
voyage. Je reprends mon petit paquet, et, notre écot payé, nous nous
mettons en route.
Nous avions déjà fait un bout de chemin quand l’aurore vint à
paraître ; et tout s’éclaire autour de nous. Alors, d’un œil empressé, je
cherche sur le cou de mon camarade la place où j’avais vu l’épée se
plonger. Étrange hallucination ! le sommeil et le vin ont-ils seuls créé
ces affreuses images ? Voilà Socrate, sain, dispos, sans une
égratignure ; plus de blessure, plus d’éponge, pas la moindre trace de
cette plaie qui brillait si horriblement tout à l’heure. Puis, m’adressant
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