Page 14 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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effort sur la berge. Là, après quelques larmes données bien à la hâte
à mon pauvre camarade, je couvre son corps de sable, et j’en confie,
pour toujours, le dépôt au voisinage de la rivière. Alors, tremblant
pour moi-même, je m’enfuis précipitamment par les passes les plus
écartées, les plus solitaires. Enfin, la conscience aussi troublée que
celle d’un meurtrier, j’ai dit adieu à mon foyer, à ma patrie, et je suis
venu, exilé volontaire, m’établir en Étolie, où je me suis remarié.
Tel fut le récit d’Aristomène. Mais son compagnon s’obstinant dans
son incrédulité première : Fables, archifables que tout cela, dit-il.
C’est bien l’invention la plus absurde ! Puis, se tournant de mon côté :
Quoi ! vous, homme bien élevé, à en juger par votre extérieur et vos
manières, vous ajouteriez foi à ces balivernes ? Moi, repris-je, je crois
qu’il n’est rien d’impossible, et que tout se fait ici-bas par
prédestination. Il n’est personne, prenez vous, moi, le premier venu,
à qui il n’arrive journellement des choses étranges, de ces choses sans
exemple, et qu’on ne veut pas croire, si l’on n’y a soi-même passé.
J’ai, quant à moi, confiance entière dans le récit de votre camarade, et
je suis, d’ailleurs, très reconnaissant de l’aimable diversion qu’il s’est
chargé de faire aux fatigues et aux ennuis du chemin. Tenez, je crois
que ma monture s’en réjouit aussi ; car me voici rendu aux portes de
la ville, sans avoir exercé que mes oreilles, et en ménageant d’autant
l’échine de la pauvre bête.
Ici nous cessâmes de causer et de faire route ensemble. On voyait
de là quelques habitations sur la gauche, et mes deux compagnons
tournèrent de ce côté.
Pour moi, je fis halte à la première auberge que je trouvai en
entrant en ville ; et m’adressant à l’hôtesse, qui n’était pas des plus
jeunes, je lui fis quelques questions : Est-ce bien ici Hypate ? Oui.
Connaissez-vous Milon, l’un des premiers de la ville ? Elle partit d’un
éclat de rire. Le premier sans contredit, reprit-elle ; car il demeure au
Pomerium, tout à fait en dehors des murs. Raillerie à part, ma bonne
femme, dites-moi, je vous prie, quel homme c’est, et où il loge. Voyez-
vous ces fenêtres là-bas, qui donnent sur la rue ? On entre de l’autre
côté par une impasse. C’est la maison de votre homme, richard s’il
en fut, tout cousu d’or, mais ladre fieffé, et décrié universellement pour
ses vilenies. Il gagne gros à prêter à usure, et sur bons gages d’or ou
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