Page 19 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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proportions dans toute sa personne !   Taille raisonnable, élancée sans
         être  frêle,  teint  légèrement  rosé,  cheveux  blonds,  naturellement
         bouclés ; œil bleu, mais vif ; regard d’aigle, adouci par une expression
         toujours heureuse ; maintien charmant, démarche aisée.
            C’est moi, mon cher Lucius, ajouta-t-elle, qui vous ai élevé de mes
         propres mains. Et la chose est toute simple : je suis parente, et, de plus,
         sœur  de  lait  de  votre  mère.      Issues  toutes  deux  de  la  famille  de
         Plutarque, nourries du même sein, nous avons grandi comme deux
         sœurs dans l’intimité l’une de l’autre. La seule différence entre nous
         est celle du rang. Elle a contracté une haute alliance ; et je me suis
         mariée  dans  la  bourgeoisie.      Je  suis  cette  Byrrhène  dont  le  nom,
         souvent prononcé par ceux qui vous élevaient, doit être familier à vos
         jeunes oreilles.   Acceptez sans scrupule l’hospitalité chez moi, ou
         plutôt  regardez  ma  maison  comme  la  vôtre.      Pendant  qu’elle  me
         parlait, ma rougeur s’était dissipée, et je répondis enfin : À Dieu ne
         plaise, ma mère, que je me donne un pareil tort envers mon hôte Milon,
         dont je n’ai pas à me plaindre ! Mais vous me verrez aussi assidu près
         de vous que je puis l’être, sans manquer à ce que je lui dois. Et à
         l’avenir,  si  je  refais  ce  voyage,  à  coup  sûr  je  n’irai  pas  descendre
         ailleurs que chez nous.   Nous faisons quelques pas durant cet échange
         de compliments, et nous arrivons à la maison de Byrrhène.
            Un  vestibule  de  la  dernière  magnificence  nous  offre  aux  quatre
         coins  une  colonne,  surmontée  d’un  globe  qui  porte  une  Victoire
         élevant des palmes.   Ces figures s’élancent à ailes déployées, chacune
         vers un point de l’horizon. Du bout de leurs pieds, d’où s’échappent
         des gouttes de rosée, elles repoussent, par un mouvement précipité, le
         point d’appui, qui se dérobe en tournant sans se déplacer. Le pied n’y
         pose plus, mais il l’effleure encore ; et l’illusion va jusqu’à vous faire
         voir ces statues en plein vol.   Une Diane en marbre de Paros, du travail
         le plus exquis, occupe le point central de l’édifice. La déesse marche,
         et, dans son action animée, ses draperies flottent, son buste se projette
         en avant ; elle semble venir à votre rencontre, et le respect vous saisit
         à la majesté divine qui l’environne.   Plusieurs chiens l’escortent de
         droite et de gauche. Ces animaux sont aussi de marbre. Leurs yeux
         menacent,  leurs  oreilles  se  dressent,  leurs  naseaux  s’enflent,  ils
         montrent leurs dents terribles. Si, du voisinage, un aboiement se faisait



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