Page 21 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
P. 21
de son inexorable amour. À la moindre résistance, elle s’indigne ; et
les récalcitrants sont tantôt changés en pierres ou en animaux, tantôt
anéantis tout à fait. Ah ! Je tremble pour votre sûreté. Gardez-vous de
brûler pour elle ; ses ardeurs sont inextinguibles, et votre âge et votre
tournure ne vous expose que trop à la conflagration. Ainsi Byrrhène
exprimait ses craintes.
Mais, puissance de la curiosité ! au seul mot de magie, ce but de
toutes mes pensées, loin d’éprouver de l’éloignement pour Pamphile,
je me sentis naître un violent désir de me faire à tout prix initier par
elle aux secrets de son art. Il me tardait d’aller à corps perdu me jeter
dans cet abîme. Mon impatience tenait du délire ; au point que
m’arrachant des mains de Byrrhène, comme d’une chaîne qui me
pesait, je lui dis brusquement adieu, et je volai au logis de Milon.
Allons, Lucius, me disais-je, tout en courant comme un fou, courage
et présence d’esprit ; voici l’occasion tant souhaitée. Tu vas t’en
donner de ce merveilleux dont tu es si avide. Ne vas pas faire
l’enfant ; il s’agit de traiter rondement l’affaire. Point d’intrigue
amoureuse avec ton hôtesse. La couche de l’honnête Milon doit être
sacrée pour toi : mais il y a Photis, la jeune chambrière, qu’il te faut
emporter de haute lutte. La friponne est piquante ; elle aime à rire ;
elle pétille d’esprit. Hier au soir, quand tu ne songeais qu’à dormir, ne
te conduisit-elle pas très officieusement à ta chambre ? Et quel
empressement ! délicat à te déshabiller, à te couvrir dans ton lit ! Ce
baiser sur ton front, cette expression dans son regard trahissaient assez
son regret de te quitter. Maintes fois, avant de sortir, elle a fait une
pause, et regardé en arrière. Allons, j’en accepte l’augure. Arrive que
pourra, j’aurai pied ou aile de cette Photis.
Tout en délibérant ainsi, et, comme on dit, opinant de mes jambes,
je me trouve à la porte de Milon. Ni le patron ni sa femme n’étaient au
logis. Mais j’y trouvai Photis, mes amours. Elle s’occupait à préparer
pour ses maîtres un mets composé de viande hachée menu et d’autres
ingrédients ; le tout se mitonnait dans une casserole à ragoûts ; et, bien
qu’à distance, il en arrivait jusqu’à mon nez des émanations qui
promettaient. Photis était vêtue d’une blanche robe de lin, qu’une
ceinture d’un rouge éclatant, un peu haut montée, serrait juste au-
dessous des boutons du sein. Ses mains mignonnes agitaient
21