Page 22 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
P. 22
circulairement le contenu du vase culinaire, non sans lui imprimer de
fréquentes secousses. Un branle voluptueux se communiquait ainsi à
toute sa personne. Je voyais ses reins se ployer, ses hanches se
balancer, et toute sa taille ondoyer de la façon la plus agaçante. Je
restai là muet d’admiration et comme en extase. Voilà mes sens, du
calme plat, qui passent à l’état de révolte. Ma Photis, lui dis-je, que
de grâces ! quel plaisir de te voir remuer ensemble cette casserole et
cette croupe divine ! Le délicieux ragoût que tu prépares ! heureux,
cent fois heureux qui pourra en tâter, ne fût-ce que du bout du doigt !
La friponne alors, aussi gaillarde que gentille : Gare, gare, pauvre
garçon, me dit-elle ; cela brûle, il n’en faut qu’une parcelle pour vous
embraser jusqu’à la moelle des os. Et alors, quelle autre que moi pour
éteindre l’incendie ! oui, que moi ; car je ne suis pas seulement experte
en cuisine ; j’entends tout aussi bien un autre service.
En parlant ainsi, elle tourne la tête, et me regarde en riant. Moi,
avant de lui obéir, je passe en revue toute sa personne. Mais que sert
de vous la décrire en détail ? Dans une femme, je ne prise rien tant que
la tête et la chevelure. C’est ma plus vive admiration en public, ma
plus douce jouissance dans l’intimité. Et, pour justifier cette
prédilection, n’est-ce pas la partie principale du corps humain, celle
qui est le plus en évidence, qui frappe les yeux tout d’abord ? Cet
appendice naturel n’est-il pas pour la tête ce qu’une parure éclatante
est pour le reste du corps ? Je vais plus loin : souvent la beauté, pour
mieux éprouver le pouvoir de ses charmes, se dépouille de tout
ornement, fait tomber tous les voiles, et n’hésite pas à se montrer nue,
espérant plus de l’éclat d’une peau vermeille que de l’or des plus riches
atours. Mais de quelques attraits que vous la supposiez pourvue, si
vous lui ôtez, (chose affreuse à dire ! nous préserve le ciel de la
réalité !) si vous lui ôtez, dis-je, l’honneur de sa chevelure, si son front
est découronné, eh bien ! cette fille du ciel, née de l’écume des mers,
bercée par les vagues, elle a beau s’appeler Vénus, avoir pour
compagnes les Grâces, et le peuple entier des Amours dans son
cortège ; elle a beau s’armer de sa ceinture, exhaler le cinnamome et
distiller la myrrhe, une Vénus chauve ne peut plaire à personne ; non,
pas même à son Vulcain.
Que sera-ce si la nature a donné aux cheveux une couleur
22