Page 23 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
P. 23
avantageuse ou un lustre qui en relève l’éclat ; de ces teintes
vigoureuses qui rayonnent au soleil, ou de ces nuances tendres, dont
le doux reflet se joue aux divers aspects de la lumière ? Tantôt c’est
une chevelure blonde, toute d’or à la surface, et qui prend vers la racine
le brun du miel dans l’alvéole ; tantôt c’est un noir de jais, dont l’émail
rivalise avec l’azur de la gorge des pigeons. Lorsque, luisants des
essences d’Arabie, et lissés par l’ivoire aux dents serrées, les cheveux
sont ramenés derrière la tête, c’est une glace où se mirent avec délices
les yeux d’un amant : ici ils simulent une couronne tressée en nattes
serrées et fournies ; là, libres de toute contrainte, ils descendent en
ondes derrière la taille. Telle est l’importance de la coiffure, qu’une
femme eût-elle mis en œuvre l’or, les pierreries, les riches tissus, toutes
les séductions de la toilette ; si elle n’a pris un soin égal de ses
cheveux, elle ne paraîtra point parée. Cet arrangement chez ma Photis
n’avait coûté ni temps, ni peine ; un heureux négligé en faisait tous les
frais. Réunis en nœud au sommet de la tête, ses cheveux retombaient,
gracieusement partagés, des deux côtés de son cou d’ivoire, et de leurs
extrémités bouclées atteignaient la bordure supérieure de son
vêtement.
La volupté chez moi devenait torture ; je n’y tenais plus ; et me
penchant avidement sur le beau cou de Photis, à l’endroit où les
cheveux prennent naissance, j’y imprimai un long et délicieux baiser.
Elle tourna la tête, et me lançant de côté une œillade assassine : Ah !
jeune écolier, vous prenez goût à ce nanan ; tout n’y est pas miel ;
prenez-y garde. À la longue, trop de douceur aigrit la bile. J’en cours
le risque, ma chère âme, m’écriai-je ; pour savourer un seul de tes
baisers, je suis homme à me laisser griller tout de mon long sur le
brasier que voilà. Je dis ; et la serrant dans mes bras, je joignis les effets
aux paroles. Mon feu la gagne, elle me rend étreinte pour étreinte,
caresse pour caresse. Sa bouche entrouverte me prodigue le parfum de
son haleine ; nos langues se rencontrent aiguillonnées par nos
communs désirs. Ivre de ce doux nectar, Je meurs, m’écriai-je, je suis
mort, si tu ne m’exauces. Mais elle, m’embrassant de nouveau, me
dit : Rassure-toi ; tes désirs sont les miens : je suis à toi, et nos plaisirs
ne se feront guère attendre. À l’heure des flambeaux, je serai dans ta
chambre. Va rassembler tes forces ; car je veux toute la nuit te livrer
23