Page 25 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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consulté sur mon voyage, il m’en a dit long. Le merveilleux s’y trouve,
et la variété aussi. C’est toute une histoire ; histoire merveilleuse en
vérité, et qui, à l’en croire, fournira matière à plus d’un livre.
Et ce Chaldéen, dit en ricanant Milon, donnez-nous son
signalement et son nom. C’est, répondis-je, un homme de haute taille,
tirant sur le noir ; il s’appelle Diophane. C’est lui, c’est bien notre
homme. Nous l’avons eu aussi dans cette ville. Il y a reçu maintes
visites, débité maintes prophéties. Il y a fait de l’argent, et mieux que
cela ; il y a fait fortune : mais, hélas ! le sort lui gardait un retour, ou,
si vous voulez, un tour des plus cruels. Un jour qu’entouré d’une
foule nombreuse, il allait, tirant à chacun son horoscope et
prophétisant à la ronde, un négociant, nommé Cerdon, s’en vint le
consulter sur le jour qu’il devait prendre pour un voyage. Diophane
le lui dit. La bourse était tirée, les espèces comptées ; mille deniers,
tout autant qu’il allait rafler pour prix de l’oracle, quand un jeune
homme de bonne mine, qui s’était glissé derrière le devin, le tire par
son manteau, et le serre étroitement dans ses bras, au moment où il se
retournait. Diophane lui rend l’accolade, et le fait asseoir auprès de
lui. Cette reconnaissance à l’improviste lui faisant perdre de vue
l’affaire qui était en train, il engage la conversation avec le nouveau
venu. Combien j’ai désiré votre arrivée ! Et vous, mon cher ami, dit
l’autre, depuis votre départ impromptu de l’île d’Eubée, comment
vous êtes-vous tiré de la mer et des chemins ?
À cette question, notre brave Chaldéen, oubliant tout à fait son rôle,
répond avec la distraction la plus ingénue : Puissent nos ennemis
publics ou privés être dans le cas de faire un pareil voyage ! c’est une
autre Odyssée. Notre vaisseau, battu par tous les vents, dégarni de ses
deux gouvernails, est venu, après la plus pénible navigation, sombrer
en vue du continent. Nous n’avons eu que le temps de nous sauver à
la nage, abandonnant tout ce que nous possédions. Le zèle de nos
amis, et la charité publique, nous ont alors créé quelques ressources,
mais tout est devenu la proie d’une bande de brigands. Mon frère
Arignotus (je n’avais que celui-là) a voulu faire résistance ; ils l’ont
impitoyablement égorgé sous mes yeux. Il n’avait pas fini son récit
lamentable, que le négociant Cerdon avait déjà rempoché ses espèces,
et fait retraite, emportant le prix compté de la prédiction. Nous
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