Page 26 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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partîmes tous alors d’un bruyant éclat de rire ; et Diophane, réveillé
         comme  en  sursaut,  comprit  alors  sa  faute  en  même  temps  que  sa
         déconvenue ;   mais vous verrez, seigneur Lucius, qu’à votre endroit
         le Chaldéen aura été véridique une fois dans sa vie. Bonne chance
         donc, et puisse votre voyage être des plus heureux !
            Tandis que Milon pérorait ainsi tout à son aise, je gémissais à part
         moi, et m’en voulais mortellement de lui avoir si mal à propos suggéré
         ce sujet de conversation. C’était autant de pris sur la soirée, et sur le
         doux  emploi  que  je  m’en  étais  promis.      Enfin,  surmontant  ma
         timidité : Que Diophane s’arrange avec le sort, dis-je à Milon ; qu’il
         aille, tant qu’il lui plaira, risquer encore par terre ou par mer les tributs
         qu’il a levés sur la crédulité des gens :   moi, comme je me ressens
         encore de ma fatigue d’hier, je vous demande la permission de me
         retirer de bonne heure.   Aussitôt dit, aussitôt fait. J’eus bientôt gagné
         ma chambre, où je trouvai tous les arrangements d’un souper assez
         bien entendu.   On avait pris soin de faire coucher les domestiques le
         plus  loin  possible  de  ma  porte,  sans  doute  afin  d’écarter  de  nos
         nocturnes ébats toute oreille indiscrète. Près du lit était une petite table,
         où la desserte du dîner figurait avec avantage.   Photis y avait mis deux
         verres d’honnête dimension, qui, remplis à moitié de vin, ne laissaient
         de place que pour autant d’eau ; enfin, une de ces bouteilles au long
         cou  évasé,  qui  se  vident  si  facilement,  complétait  cet  arsenal  de
         l’amoureuse escrime.
            À peine étais-je au lit,  que ma Photis, qui  venait de coucher sa
         maîtresse, accourt près de moi, balançant dans ses mains des roses
         tressées  en  guirlandes.  Une  rose  détachée  s’épanouissait  entre  les
         charmants contours de son sein.   Sa bouche s’unit étroitement à la
         mienne ; elle m’enlace dans ses guirlandes, et me couvre de fleurs.
         Puis saisissant l’un des verres, et mêlant au vin de l’eau tiède, me
         l’offre à boire, me l’ôte doucement des mains avant que j’aie tout bu,
         et, les yeux fixés sur moi, hume le reste goutte à goutte, avec un doux
         frémissement des lèvres. Un second verre, un troisième, et plus encore,
         passent  ainsi  d’une  bouche  à  l’autre.  Enfin,  les  fumées  du  vin  me
         montent  à  la  tête,  et  portent  le  trouble  dans  mes  sens.  Le  sixième
         surtout s’insurge, et met en feu toute la région qu’il habite. J’écarte la
         couverture, et, étalant aux yeux de Photis toute la turbulence de ma



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