Page 29 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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dit-on, ne met pas à l’abri de ses atteintes. Elle dispute aux bûchers,
         aux sépulcres, les dépouilles des morts ; et des lambeaux, arrachés aux
         cadavres, deviennent les instruments de ses funestes pratiques contre
         les vivants.   On parle de vieilles sorcières qui, au milieu même d’une
         pompe  funèbre,  savent  escamoter  un  mort  et  frauder  la  sépulture.
         Bah ! dit alors une personne de la compagnie, on ne fait pas même ici
         grâce aux vivants. À qui donc est-il arrivé dernièrement de se trouver
         mutilé, défiguré au point d’en être méconnaissable ?   Aussitôt un rire
         immodéré s’empare de l’assemblée. Tous les yeux se tournent vers un
         convive qui se tenait à l’écart dans un coin, et qui, tout confus de se
         voir l’objet d’une attention si marquée, murmure quelques mots de
         dépit, et fait mine de se lever de table. Byrrhène lui dit alors :   Allons,
         mon  cher  Télyphron,  rasseyez-vous ;  et,  tenez,  vous  qui  êtes  si
         complaisant, racontez-nous encore une fois votre histoire. Je serais
         charmée  de  procurer  à  mon  fils  Lucius,  que  voilà,  le  plaisir  de
         l’entendre de votre bouche.   Madame, répondit Télyphron, vous êtes
         la  bonté  même ;  mais  il  y  a  des  gens  d’une  impertinence…      Il
         paraissait outré. Mais Byrrhène, à force d’instances, finit par le décider
         pour l’amour d’elle.
            Ramenant  alors  la  housse  du  lit  en  un  monceau,  comme  point
         d’appui à son coude, il projette en avant le bras droit, et dispose ses
         doigts  à  la  manière  des  orateurs,  c’est-à-dire  en  fermant  les  deux
         derniers, et tenant étendus les autres, avec le pouce en saillie. Après ce
         préliminaire, notre homme commence ainsi :   J’étais encore en tutelle
         à  Milet,  quand  l’idée  me  vint  d’aller  aux  jeux  olympiques.  J’étais
         curieux au dernier point de visiter cette province célèbre. Après avoir
         parcouru toute la Thessalie, pour mon malheur j’arrive à Larisse.   Le
         voyage m’avait mis des plus mal en espèces, et j’errais par la ville en
         rêvant aux expédients. Au milieu d’une place, j’aperçois un vieillard
         de haute taille, qui était monté sur une borne, et criait à pleine voix :
         Qui  veut  garder  un  mort ?  Faites  votre  prix.      Que  signifie  cette
         proclamation ?  dis-je  au  premier  passant.  Avez-vous  peur  que  vos
         morts ne s’enfuient ?   Paix ! me répond-il, vous parlez en enfant et en
         étranger. Sachez que vous êtes en Thessalie. Il y a ici des magiciennes
         toujours  prêtes  à  déchiqueter  le  visage  des  morts ;  c’est  l’élément
         principal de leurs conjurations.



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