Page 27 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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passion :   Par pitié, lui dis-je, viens vite à mon secours. Tu le vois, je
         me présente assez de pied ferme à ce combat que tu m’offres, sans que
         le fécial s’en soit mêlé.   Le traître Cupidon m’a percé d’une de ses
         flèches jusqu’au fond du cœur. J’ai bandé mon arc en retour, et si fort,
         qu’il y a danger que la corde ne se rompe.   Viens, et, pour me rendre
         tout à fait heureux, cesse d’emprisonner ta chevelure ; qu’elle flotte en
         toute liberté sur tes épaules : tes embrassements vont m’en sembler
         plus doux.
            En un clin d’œil elle a fait disparaître le couvert. Puis elle met à nu
         tous  ses  charmes ;  et,  laissant  ondoyer  ses  cheveux  dans  le  plus
         voluptueux désordre, la voilà qui s’avance, image vivante de Vénus
         glissant sur les flots.   De sa main rosée, la coquette faisait mine de
         voiler un réduit charmant qu’aucun ombrage naturel ne dérobait à ma
         vue.   Ferme ! dit-elle, tiens bon, vaillant guerrier ! Tu as un adversaire
         qui ne cède, ni ne tourne le dos. Face à face, si tu es homme ; et, coup
         pour coup, frappe et meurs. Aujourd’hui point de quartier.   Elle dit,
         et,  montant  sur  la  couchette,  s’arrange  de  façon  que  nous  nous
         trouvons  elle  dessus  et  moi  dessous.  Déployant  alors  l’élastique
         fermeté de ses reins par des secousses répétées, et toujours plus vives
         et plus érotiques, elle me fit savourer à longs traits tout ce que les
         faveurs de Vénus incube ont de plus enivrantes voluptés, tant qu’enfin
         une molle langueur circule dans nos membres et s’empare de nos sens ;
         en nous toute force expire, et nous nous laissons aller haletants dans
         les bras l’un de l’autre.   Les premiers rayons du jour vinrent nous
         surprendre dans nos amoureux ébats, sans que nous eussions fermé la
         paupière ; nous recourions aux libations de temps à autre. Alors nos
         forces renaissaient, le désir se ranimait, la lutte recommençait. Ce fut
         une  nuit  d’ivresse ;  nous  eûmes  grand  soin  qu’elle  eût  plus  d’une
         répétition.
            Un jour Byrrhène m’invita de la manière la plus pressante à venir
         souper  chez  elle.  En  vain  j’essayai  de  m’en  défendre ;  elle  ne  tint
         compte de mes excuses.   Il me fallut donc présenter requête à Photis,
         obtenir son congé, prendre ses auspices. Tout ce qui m’éloignait de ses
         côtés, ne fût-ce que d’un pas, était peu de son goût. Toutefois, elle
         consentit d’assez bonne grâce à ce court armistice.   Au moins, dit-
         elle, ayez bien soin de quitter la table de bonne heure ; car il y a dans



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