Page 32 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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j’en approche la lumière, et j’examine en détail si le dépôt dont j’avais
pris charge se retrouvait dans son intégrité. Bientôt l’épouse
infortunée, suivie des témoins de la veille, entre brusquement. L’œil
en pleurs et tout effarée, elle se précipite sur le corps, qu’elle couvre
longtemps de ses baisers ; puis, la lampe à la main, elle en fait un
récolement complet. Alors elle se retourne, appelle son intendant
Philodespotus, et lui ordonne de payer sur-le-champ l’excellent
gardien. Jeune homme, me dit-elle ensuite, je vous ai les plus grandes
obligations. Et certes, après la vigilance dont vous avez fait preuve en
vous acquittant de ce devoir, je dois vous compter désormais comme
un de mes amis. Moi, dans l’extase de ce gain inespéré, et tout ébloui
de l’or que je faisais sonner dans ma main : Dites votre serviteur,
madame, m’écriai-je : à la première occasion, je suis à vos ordres.
Vous n’avez qu’à parler. À peine avais-je prononcé ces paroles, que
tous les amis de la veuve éclatent en exécrations, et fondent en masse
sur moi, se faisant arme de tout. C’est à qui me brisera les mâchoires
et les épaules de ses poings ou de ses coudes, à qui me froissera les
côtes ou me lancera son coup de pied. Mes cheveux sont arrachés, mes
habits déchirés en lambeaux. Enfin meurtri et malmené, autant que le
furent jamais le beau chasseur Adonis ou le dédaigneux fils de
Calliope, je me vois impitoyablement jeté hors du logis.
Pendant que, sur une place voisine, je cherchais à reprendre mes
esprits, je m’avisai un peu tard de la sinistre inconvenance de mes
paroles, et convins que je n’avais pas encore été rossé comme je le
méritais. Pendant ce temps, le cérémonial des pleurs et des cris avait
été son train, et le cortège, d’une ordonnance conforme à l’usage du
pays, s’avançait au milieu de la place, avec la pompe convenable à la
qualité du défunt. Tout à coup un vieillard accourt, les yeux mouillés
de pleurs, et arrachant les cheveux de sa tête chenue ; il étend
précipitamment les deux mains sur le lit funèbre : Citoyens, s’écrie-
t-il de toute la force de sa voix entrecoupée de sanglots, par tout ce que
vous avez de plus sacré, au nom de la piété publique, vengez le meurtre
d’un de vos frères ! Cette misérable, cette infâme créature, s’est
souillée du plus grand des forfaits ; j’appelle sur sa tête toutes les
sévérités de la justice. C’est sa main, et sa main seule, qui a fait périr
par le poison ce malheureux jeune homme, le fils de ma sœur. Un
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