Page 37 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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            Déjà  l’Aurore,  de  ses  doigts  de  rose,  secouant  les  rênes
         empourprées, lançait son char dans la carrière des cieux. Adieu le doux
         repos ; la nuit le cédait au jour.   Une violente agitation me saisit au
         souvenir des événements de la veille. Je m’assis sur mon lit, les pieds
         croisés, et, appuyant sur mes genoux mes mains entrelacées, je me mis
         à pleurer à chaudes larmes. Mon imagination alarmée me peignait déjà
         le tribunal, l’arrêt, et jusqu’au bourreau même tout prêt à mettre la
         main  sur  moi.  Comment  supposer  un  juge  assez  bénin,  assez
         débonnaire, pour acquitter l’homme souillé d’un triple meurtre, teint
         du sang de tant de citoyens ?   Était-ce donc là ce glorieux voyage que
         le Chaldéen Diophane m’avait si intrépidement promis ?   Cependant
         une  vive  rumeur  et  des  coups  répétés  se  font  entendre  à  la  porte
         extérieure.
            La maison s’ouvre avec violence, et des magistrats, des officiers,
         un flot de gens de toute espèce y fait soudain irruption. Sur l’ordre des
         magistrats, des licteurs me saisissent et m’entraînent. Toute idée de
         résistance était bien loin de moi.   Nous n’étions pas hors de l’impasse,
         que la population, déjà sur pied, nous suivait en foule, et quelle foule !
         Or, tout en marchant tristement, la tête inclinée vers la terre (j’aurais
         voulu être plus bas), il m’arriva de regarder de côté, et je fus frappé
         d’une circonstance étrange.   De tant de milliers d’individus qui nous
         entouraient, il n’y en avait pas un qui ne parût pouffer de rire.   Après
         qu’on m’eut fait faire le tour de toutes les places de la ville, comme à
         ces  victimes  que  promène  une  procession  lustrale  pour  conjurer
         quelque fléau, nous arrivons enfin au lieu ou se rendait la justice, et je
         me trouve en face du tribunal.   Déjà les magistrats avaient pris place
         sur l’estrade, et l’huissier commandait le silence, quand, tout d’une
         voix, l’assemblée se récrie contre les dangers d’une agglomération si
         considérable dans un si étroit espace ; et l’on demande que, en raison
         de son importance, la cause soit jugée au théâtre.   La foule aussitôt
         prend  les  devants,  et,  en  un  clin  d’œil,  l’enceinte  du  théâtre  est
         encombrée.   Les couloirs, les combles même sont envahis. Quelques



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