Page 38 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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spectateurs embrassent les piliers, d’autres se suspendent aux statues.
         Il n’y a pas jusqu’aux fenêtres et aux lucarnes où quelque curieux ne
         se  montre  jusqu’à  mi-corps.  L’intérêt  de  la  scène  étouffait  tout
         sentiment de danger.   J’avance toujours du pas d’une victime, entouré
         de mes gardes, qui me font traverser le Proscenium, et me placent au
         milieu de l’orchestre.
            De nouveau la voix de Stentor de l’huissier se fait entendre. Un
         vieillard se lève ; c’était l’accusateur : il prend un petit vase dont le
         fond s’allonge en entonnoir, il le remplit d’une eau qui s’en écoule
         goutte à goutte, et prononce le discours suivant :   Honorables citoyens,
         cette affaire est des plus graves. La sécurité de toute la ville est en
         cause, et réclame un grand exemple.   L’intérêt général, le bien-être
         individuel,  la  vindicte  publique,  veulent  également  que  l’atroce
         meurtrier dont la main impitoyable s’est baignée dans le sang de tant
         de victimes, ne puisse obtenir ici l’impunité.   Et ne croyez pas qu’en
         ce  moment  j’écoute  aucun  ressentiment  personnel.  C’est  moi  qui
         commande le guet ; et je crois qu’on ne m’accuse pas de manquer de
         vigilance ni de zèle.   Voici le détail de l’événement de cette nuit ; je
         serai exact. Vers la troisième veille, comme je faisais ma ronde de
         porte  en  porte  avec  la  plus  scrupuleuse  surveillance,  j’aperçois  ce
         jeune scélérat, l’épée au poing, qui semait autour de lui le carnage.
         Déjà sa cruauté s’était immolé trois victimes. Les corps étaient à ses
         pieds, palpitants encore, et noyés dans des flots de sang.   Justement
         effrayé de l’énormité de son crime, il a soudain pris la fuite et s’est
         glissé dans une maison, à la faveur des ténèbres ; il s’y est tenu caché
         toute la nuit ;   mais la céleste providence ne permet pas qu’il échappe
         un  coupable.  De  grand  matin  je  me  suis  posté  pour  prévenir  toute
         évasion clandestine, et j’ai réussi à le faire comparaître à votre auguste
         tribunal.   L’homme que vous avez devant vous est un triple homicide ;
         il a été pris en flagrant délit ; il n’est pas de cette contrée. Épargnerez-
         vous, dans un étranger, un attentat dont la réparation demanderait le
         sang même d’un concitoyen ?
            Après cette formidable allocution, mon  redoutable accusateur se
         tut. L’huissier me dit alors que, si j’avais quelque chose à dire pour ma
         défense, je pouvais parler :   mais pendant quelques moments je ne pus
         trouver que des larmes ; moins atterré, hélas ! par la terrible accusation



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