Page 42 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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L’hilarité, que les meneurs de cette mystification avaient jusque-là
         tant  soit  peu  contenue,  fit  alors  explosion.  Ce  fut  un  débordement
         frénétique, des convulsions de rire à s’en tenir les côtes à deux mains.
         Enfin, après s’en être donné à cœur joie, la foule évacua la salle ; mais
         chacun, avant de sortir, se retournait encore pour me regarder.
              Moi, depuis le moment où j’avais soulevé le linceul, j’étais resté
         immobile et glacé comme un marbre, et je ne bougeais non plus qu’une
         des colonnes ou qu’une des statues du théâtre.   Je ne sortis de cette
         léthargie qu’au moment où mon hôte Milon vint s’emparer de moi
         pour me ramener. Je résistai ; les larmes se firent jour de nouveau, et
         j’éclatai en sanglots. Ce ne fut qu’en me faisant doucement violence
         qu’il parvint à me faire sortir.   Pour rentrer au logis, il choisit les rues
         les moins fréquentées, et prit plusieurs détours. Il me disait tout ce
         qu’il croyait propre à calmer mes nerfs et à combattre mon chagrin ;
         mais rien n’y faisait. J’étais ulcéré de m’être vu bafoué si indignement.
            Tout à coup les magistrats eux-mêmes se présentent, et les voilà qui
         m’adressent  une  réparation  en  ces  termes :  Seigneur  Lucius,  nous
         connaissions  votre  mérite  personnel  et  votre  noble  maison.
         L’illustration de votre famille est notoire dans la province.   Croyez
         qu’aucune pensée d’insulte n’a présidé à la scène de tout à l’heure ;
         que votre cœur n’en conserve aucun ressentiment :   nous célébrons
         aujourd’hui  la  fête  du  dieu  du  Rire ;  et  c’est  parmi  nous  à  qui
         s’ingéniera pour rajeunir cet anniversaire.   Le dieu, qui vous a été si
         redevable  en  ce  jour,  veut  que  partout  sa  propice  influence  vous
         accompagne, et que votre heureuse physionomie soit en tous lieux un
         signal d’hilarité.   La ville, du reste, vous a par acclamation décerné
         les  plus  grands  honneurs.  Elle  veut  que  votre  nom  soit  inscrit  au
         nombre de ses grands personnages, et que le bronze lui conserve le
         souvenir  de  vos  traits.      À  ce  discours,  je  répondis :  Je  reconnais,
         comme je le dois, l’immense honneur que me fait une ville, la fleur et
         la  perle  de  la  Thessalie.  Mais  quant  à  des  images,  à  des  statues,
         réservez un tel témoignage pour qui les mérite mieux que moi.
            Après cette modeste réplique, mon front commençant à se dérider,
         je me donnai de mon mieux l’air agréable ; et les magistrats, en prenant
         leur congé, ne trouvèrent chez moi que politesse et aménité.   Un valet
         arrive alors tout courant, et me dit : Vous avez promis à votre parente



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