Page 43 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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Byrrhène d’être aujourd’hui de son souper. L’heure approche ; je vous
prie de n’y pas manquer. À ces mots, un frisson me saisit. Je voudrais
bien, répondis-je, me rendre aux ordres de ma mère ; mais un
engagement sacré s’y oppose. Mon hôte Milon m’a fait jurer, par le
dieu dont c’est aujourd’hui la fête, de souper avec lui ce soir. Il reste
au logis, et ne me permettra pas d’en sortir. Ce sera donc partie remise.
Je n’avais pas fini de parler, que déjà Milon m’appréhendait au corps,
et m’entraînait aux bains les plus proches, donnant l’ordre de nous y
apporter tout ce qu’il nous fallait. Je me serrais contre lui, pour me
dissimuler autant qu’il m’était possible, évitant les regards des
passants, et très peu jaloux de jouir de la gaieté qu’inspirait ma
présence. Dans ma confusion, je me laissai baigner, essuyer et
ramener au logis sans savoir comment : tant le souvenir de tous ces
yeux, de tous ces doigts braqués ensemble sur ma personne, m’avait
en quelque sorte abasourdi.
Je dépêchai le maigre souper de Milon, et, sous prétexte d’un
violent mal de tête que je m’étais donné à force de pleurer, j’obtins
aisément la permission d’aller me coucher. Je ruminais tristement dans
mon lit sur mon aventure du jour, quand Photis vint me trouver après
le coucher de sa maîtresse. Je la trouvai toute changée : ce n’était plus
son minois éveillé, son propos égrillard. Sa langue hésitait, sa parole
était timide. Je suis, dit-elle, je le confesse, la cause de tout le
désagrément qu’on vous a fait essuyer. Là-dessus, elle tire de son sein
une lanière, et me la présente : Vengez-vous, ajouta-t-elle, vengez-
vous d’une femme aussi coupable, ou plutôt infligez-moi quelque
châtiment plus rude encore : mais ne croyez pas que j’aie
volontairement amené cette cruelle scène. Me préserve le ciel de vous
causer la peine la plus légère ; puissé-je même, si quelque infortune
vous menace, la racheter au prix de mon sang ! Ce que j’avais ourdi
par ordre et en vue d’un autre, ma funeste étoile l’a fait tourner contre
vous.
Ma curiosité naturelle s’éveille à ce propos ; et désirant pénétrer ce
mystère : Moi, te frapper de cette odieuse et horrible courroie !
m’écriai-je ; plutôt la mettre en pièces mille fois, que d’en effleurer
seulement le délicat tissu de cette peau d’albâtre ! Mais dis-moi, je
t’en supplie, qu’as-tu donc fait qui m’ait été si fatal ? Je le jure par
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