Page 48 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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Me préserve le ciel de commettre une pareille infamie ! m’écriai-
je. Quand je pourrais, comme l’aigle, planer sur toute l’étendue des
cieux, faire les messages de Jupiter ou porter fièrement son foudre ;
qu’avec joie on me verrait, des hauteurs de l’empyrée, revoler au petit
nid que j’aime tant ! Oui, j’en fais le serment par ce nœud de ta
chevelure, nœud charmant qui m’enchaîne ; à tout je préfère ma
Photis. Et, d’ailleurs, quand j’y songe, une fois que, par la vertu de
cette friction, je me serai affuble d’un tel plumage, ne me faudra-t-il
pas éviter toute habitation ? Le beau, l’aimable galant qu’un hibou !
comme les dames en doivent être tentées ! Triste oiseau des ténèbres,
dès qu’il se montre en un logis, c’est à qui l’attrapera pour le clouer à
la porte, et lui faire expier par mille tourments son aspect de sinistre
augure. Mais, vraiment, j’oubliais : quelles paroles dire, quelles
pratiques observer, pour me débarrasser de toutes ces plumes et
redevenir Lucius ? À cet égard, dit-elle, tu peux être tranquille. J’ai
appris de ma maîtresse ce qu’il faut faire pour quitter ces formes
d’emprunt et revenir à la figure humaine : et ne va pas croire qu’elle
m’en ait instruite par bonté d’âme ; c’est seulement pour s’assurer de
ma part une assistance efficace à son retour. Au reste, tu le vois, c’est
avec les herbes les plus communes que s’opèrent de si grands effets :
il suffit d’un peu d’aneth et de quelques feuilles de laurier infusés dans
de l’eau de source. Elle en fait usage en bain et en boisson.
Après m’avoir répété cette instruction, elle se glisse dans le réduit,
non sans trembler de tous ses membres. Elle prend dans le coffret une
petite boîte dont je m’empare et que je baise, en la suppliant de faire
que je puisse voler. En un clin d’œil je me mets nu, et je plonge mes
deux mains dans la boite. Je les remplis de pommade, et je me frotte
de la tête aux pieds. Puis me voilà battant l’air de mes bras, pour
imiter les mouvements d’un oiseau ; mais de duvet point, de plumes
pas davantage ; ce que j’ai de poil s’épaissit, et me couvre tout le
corps. Ma douce peau devient cuir. À mes pieds, à mes mains, les cinq
doigts se confondent et s’enferment en un sabot ; du bas de l’échine il
me sort une longue queue, ma face s’allonge, ma bouche se fend, mes
narines s’écartent, et mes lèvres deviennent pendantes ; mes oreilles
se dressent dans une proportion démesurée. Plus de moyen
d’embrasser ma Photis ; mais certaine partie (et c’était toute ma
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