Page 52 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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IV
Il était près de midi, et le soleil devenait très ardent. Nous fîmes
halte dans un hameau, chez de vieilles gens de la connaissance des
voleurs, et apparemment de leurs amis. C’est ce que j’augurai
d’abord, tout âne que j’étais, de leurs longs pourparlers et de leurs
embrassades. En effet, on prit sur mon dos divers objets qu’on leur
offrit ; et, autant que je pus comprendre, on leur disait tout bas que
c’était pour leur part. On nous décharge ensuite tout à fait, pour nous
laisser paître en liberté dans un pré voisin. Mais je faussai compagnie
à l’autre âne et à mon cheval durant leur repas : un dîner de foin n’était
pas encore de mon goût. Cependant, comme je mourais de faim,
j’entrai sans façon dans un petit jardin que j’aperçus derrière l’écurie :
j’y trouvai pour tout ordinaire des légumes crus, dont je ne laissai pas
de m’emplir le ventre. Ce repas fait, je me mets à chercher des yeux
de tous côtés, tout en invoquant les dieux, si dans les jardins contigus
il ne se montrerait pas quelque part un beau rosier fleuri car, le remède
trouvé, j’espérais, grâce à la solitude et avec le secours de quelque
buisson, pouvoir quitter incognito mon humble figure de quadrupède,
et me redresser sous la forme humaine.
Tandis que je me perdais dans un océan de réflexions, je crus voir
à quelque distance un vallon boisé, formant un épais ombrage. De loin,
mes yeux étaient réjouis d’une délicieuse verdure, émaillée de mille
fleurs, parmi lesquelles tranchait vivement l’incarnat de la rose. Mon
imagination n’était pas encore abrutie : aussi se peignit-elle soudain le
bocage favori de Vénus et des Grâces, et, sous son mystérieux
feuillage, la fleur consacrait à la déesse s’épanouissant dans tout son
éclat royal. Invoquant donc le dieu du Succès, je pars au galop, avec
la vitesse, non plus d’un âne, mais d’un cheval de course lancé à fond
de train. Vain effort ! rien ne servait contre ma mauvaise fortune.
J’approche ; adieu les roses ! adieu ces tendres et délicates fleurs,
arrosées de nectar et d’ambroisie ! adieu le divin buisson et ses
mystiques épines ! adieu même le vallon ! Je ne vois plus que
l’encaissement d’une petite rivière, bordée d’une rangée d’arbres
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