Page 50 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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dans un coin de l’écurie. Tandis que j’y réfléchissais sur l’insolence de
mes deux camarades, me promettant de tirer le lendemain bonne
vengeance de mon coquin de cheval, sitôt que, par la vertu des roses,
je serais redevenu Lucius, j’aperçois, à moitié de la hauteur du pilier
qui supportait la voûte de l’écurie, une niche qu’on y avait pratiquée,
et où se trouvait l’image de la déesse Épone, parce avec des guirlandes
de roses encore fraîches. En voyant le remède à mes maux, je me
livre à l’espérance. Je me dresse, levant le plus haut possible mes pieds
de devant, et, cou tendu, lèvres allongées, je fais tous mes efforts pour
atteindre jusqu’aux guirlandes. O fatalité ! tandis que je m’évertue
ainsi, le valet chargé par moi-même de panser chaque jour mon cheval
s’aperçoit de ma manœuvre, et, se levant tout en colère : C’est à n’en
pas finir avec ce porte-choux, dit-il ; tout à l’heure il en voulait au
manger de nos bêtes, maintenant le voilà qui s’en prend aux images
des dieux ! Attends, sacrilège animal, je te vais éreinter de la bonne
manière ; au moins tu ne sortiras que boiteux de mes mains. Tout en
parlant, il cherchait de quoi accomplir sa menace ; et, trouvant un
fagot laissé là par hasard, il y choisit le plus gros parement, tout garni
encore de ses feuilles, et se met à en labourer ma pauvre échine. Le jeu
n’eût pas cessé de sitôt ; mais il se lit soudain grand bruit dans le
voisinage. Mille coups viennent tonner contre la porte de ta maison ;
on crie Aux voleurs ! de toutes parts ; mon bourreau s’effraye et
s’enfuit.
Bientôt l’on force l’entrée ; un gros de bandits envahit tout
l’intérieur, tandis qu’un autre parti armé jusqu’aux dents garde toutes
les issues. De divers côtés, les voisins arrivent au secours ; mais les
brigands leur font face et les repoussent. Les torches se reflétant sur
les glaives nus illuminent les ténèbres, et le double éclat du fer et de la
flamme produit l’effet du soleil levant. Au centre de la maison se
trouvait une espèce de magasin, bien défendu par toute espèce de
fermeture et renfermant les trésors de Milon. Ils en enfoncent la porte
à grands coups de hache, s’emparent de tout le butin, l’empaquettent
à la hâte, et s’en distribuent la charge entre eux. Mais il se trouve plus
de fardeaux que de porteurs : dans l’embarras de tant de richesses et
réduits aux expédients, ils me tirent de l’écurie avec l’autre âne et mon
cheval, nous chargent impitoyablement de ce qu’il y a de plus lourd
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