Page 47 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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Nous eûmes trop peu de répétitions de cette nuit charmante. Je vois
         un jour Photis accourir tout émue ; elle m’annonce que sa maîtresse,
         ayant  échoué  dans  ses  précédentes  tentatives,  avait  résolu  de  se
         changer la nuit suivante en oiseau, et d’aller sous cette forme trouver
         l’objet de sa passion ;   que j’eusse donc à me tenir prêt, et qu’elle me
         ferait assister, discret témoin, à cette scène merveilleuse.   En effet,
         vers la première veille, elle ne manque pas de me venir prendre ; elle
         me mène à pas de loup jusqu’au réduit aérien, puis elle me place à une
         fente de la porte par où je pouvais tout voir.   Pamphile commença par
         se dépouiller de tous ses vêtements ; ensuite elle ouvrit un petit coffret
         et en tira plusieurs boîtes, ôta le couvercle de l’une, y prit une certaine
         pommade, s’en frotta longtemps la paume des mains, et, se les passant
         sur tous les membres, s’en enduisit le corps, de la plante des pieds à la
         racine des cheveux. Vint après un long colloque à voix basse avec sa
         lanterne ;   soudain elle imprime une secousse à toute sa personne, et
         voilà ses membres qui s’assouplissent et disparaissent, d’abord sous
         un fin duvet, puis sous un épais plumage. Son nez se courbe et se
         durcit, ses ongles s’allongent et deviennent crochus.   Pamphile est
         changée en hibou ; elle jette un petit cri plaintif, et, après quelques
         essais de vol à ras de terre, la voilà qui prend l’essor à tire d’aile.
            Sa  transformation  était  volontaire,  et  l’effet  de  ses  puissants
         sortilèges.  Moi  qui  n’en  avais  été  que  le  simple  témoin,  hors  de
         l’influence du charme, je restais frappé de stupeur, et ne ressemblais à
         rien moins qu’à moi-même :   frappé comme d’imbécillité, j’étais dans
         un état voisin de la démence, rêvant tout éveillé, me frottant les yeux,
         et me demandant si ce n’était pas un songe.   Enfin, revenant à moi, je
         saisis la main de Photis, je la presse contre mes yeux :   L’instant nous
         favorise, lui dis-je ; accorde-moi, je t’en supplie, un gage éclatant de
         ton amour :   donne-moi un peu de cette pommade. Par les globes
         charmants de ton sein, c’est moi qui t’en conjure, et qu’un tel bienfait,
         qu’aucun prix ne saurait payer, m’enchaîne à jamais sous tes lois ; que,
         grâce à toi, je puisse, nouveau Cupidon, voltiger autour de ma Vénus !
         Oui-dà ! renard, mon ami ; mais c’est me dire tout simplement d’aller
         moi-même chercher les verges ! Joli moyen pour ne plus craindre ces
         chattes de Thessaliennes ! Et ce bel oiseau, dites-moi, où courrai-je
         après lui ? quand le verrai-je ?



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