Page 51 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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dans le bagage, et, le bâton levé, nous poussent hors du logis, après y
         avoir fait maison nette. Un des leurs cependant resta seul en arrière,
         avec charge d’observer, et de faire son rapport de ce qui se passerait
         sur les lieux. Les autres, à force de coups, nous font gagner grand train
         une passe écartée de la montagne.
            L’énormité  de  ma  charge,  la  roideur  de  la  côte,  la  longueur  du
         chemin, m’avaient tué plus qu’à demi. L’idée me vint alors, un peu
         tard, mais tout de bon, de recourir à la protection publique, de faire
         intervenir pour ma délivrance le nom sacré de l’empereur.   Il faisait
         grand  jour  quand  nous  arrivâmes  dans  un  bourg  d’une  certaine
         importance, où se tenait précisément un marché, et où par conséquent
         l’affluence était considérable. Je voulus donc, me trouvant au milieu
         de cette population grecque, attester l’auguste nom de César dans ma
         langue maternelle.   O ! m’écriai-je de l’accent le plus expressif et le
         mieux articulé. Mais il me fut impossible de prononcer le mot César.
         Les  voleurs,  impatientés  de  cette  tenue  discordante,  font  à  l’envi
         pleuvoir une grêle de coups sur mon pauvre cuir, et le mettent hors
         d’état de servir même de crible. Un moment, toutefois, Jupiter m’offrit
         une chance de salut que je n’attendais guère.   En traversant plusieurs
         hameaux  où  se  trouvaient  quelques  habitations  considérables,
         j’aperçois un joli petit jardin, et là, parmi d’autres fleurs, des roses en
         bouton,  humides  encore de la rosée du matin :    je m’en approche
         palpitant  d’espoir ;  et  déjà  mes  lèvres  étendues  étaient  près  d’y
         atteindre, quand une sage réflexion m’arrêta.   Si je quitte soudain ma
         figure d’âne pour redevenir Lucius, dis-je à part moi, je m’expose à
         une mort certaine ; ces voleurs vont me prendre pour magicien, ou de
         ma part craindre des révélations.   Je fis donc de nécessité vertu ; je
         passai devant les roses sans y toucher, et, prenant mon mal en patience,
         je cheminai, rongeant mon frein de baudet.















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